Texte original sur quotimed.com
L'Union régionale des médecins libéraux de Picardie, très impliquée en 2006 dans l'expérimentation du DMP, dénonce sa mise à l'écart dans les appels à projets qui sont prévus pour maintenir la dynamique créée sur le terrain. Elle se plaint d'une emprise des hospitaliers et de l'assurance-maladie. Le GIP-DMP se propose de procéder à un arbitrage entre les parties.
IL Y A DE L'EAU dans le gaz entre les pionniers du dossier médical personnel (DMP) en Picardie, région pourtant montrée en exemple par l'ex-ministre de la Santé, Xavier Bertrand, en septembre dernier, au moment de la montée en charge des expérimentations du DMP (« le Quotidien » du 25 septembre). Forte de son expérience de dossier médical informatisé développé depuis 2001 pour le Réseau diabète régional, l'union régionale des médecins libéraux (Urml) de Picardie s'était lancée sans réserve dans l'aventure des expérimentations du DMP. « En synergie avec les acteurs libéraux, les établissements et le CHU d'Amiens», l'Urml a contribué à la création de «2200 DMP» expérimentaux entre juin et décembre 2006. Or, après avoir joué selon elle «un rôle moteur et fédérateur», l'union vient d'annoncer dans un communiqué «son retrait du projet de DMP picard». Elle «dénonce une dérive technocratique, conduite par l'ARH [agence régionale de l'hospitalisation] et l'Urcam [union régionale des caisses d'assurance-maladie], visant à confiner les médecins libéraux dans un rôle d'exécutants».
Le problème de la parité public-privé.
Le conflit a surgi à l'occasion du lancement des appels à projet DMP, subventionnés par le Groupement d'intérêt public chargé de piloter le déploiement du dossier depuis Paris (GIP-DMP). Ces appels à projet sont censés prendre le relais des expérimentations (qui ont pris fin le 31 décembre) afin d'entretenir la mobilisation des acteurs de terrain et de préparer la montée en charge du DMP à partir du printemps 2008. Dans cette perspective, l'union indique qu'elle «a favorisé la création d'un consortium reliant les différents acteurs régionaux; CHU et établissements, Urml de Picardie, GIPTélémédecine, ainsi que l'industriel hébergeur Santeos». «Contre toute attente, poussé par l'ARH, le GIP Télémédecine s'est approprié la gouvernance du dossier et en a très nettement exclu l'Urml de Picardie», regrette cette dernière. L'Urml affirme que le GIP Télémédecine «a rejeté le principe de la constitution d'une parité public-privé au sein de cette structure», comme l'union le proposait, et qu'elle s'est vu «imposer» de fait «un consortium GIP Télémédecine-Santeos».
«Jamais, au grand jamais, nous n'avons souhaité le retrait de l'Urml du dispositif», rétorque pour sa part le Dr Yves Jouchoux, directeur du GIP Télémédecine. S'il n'a pu accepter le principe de «parité public-privé» au sein de sa structure, c'est simplement que tout GIP «se doit d'avoir une majorité publique». «Il ne me paraîtrait pas concevable que le monde libéral sous toutes ses formes soit exclu d'un appel à projet», poursuit le Dr Jouchoux, dès lors que «toutes les composantes de la médecine sont les contributeurs et les créateurs du DMP».
Réunion de conciliation la semaine prochaine.
La Conférence des présidents d'Urml a exprimé sa solidarité envers l'union picarde. «Quand on a franchi la ligne jaune, il faut savoir dire stop», a déclaré son président, le Dr Philippe Boutin, qui «espère que les différents acteurs se remettront autour d'une table».
«L'Urml doit trouver sa place: on a besoin des médecins libéraux», confirme-t-on au GIP-DMP. Cette instance pilote du DMP au niveau national se propose d'ailleurs de «jouer les bons offices» en organisant une réunion dès la semaine prochaine «pour trouver une solution». La réconciliation ne paraît pas impossible du côté de l'Urml de Picardie. «Le DMP est un très bon projet, mais on en a perdu l'essence, l'objet, soutient le Dr Christine Boutet, chargée d'une mission sur le sujet auprès de l'union. Il ne faut pas casser la dynamique. Ce sont les médecins et leurs patients qui permettront au projet d'avoir l'approche technologique et l'approche humaine qui conviennent. Nous tirons la sonnette d'alarme car, si le dossier se fait sans l'Urml, elle ne pourra plus assurer la promotion du projet auprès des médecins libéraux.» Les choses s'arrangeront peut-être, mais le clash provoqué par l'Urml sème déjà le doute. Parmi la vingtaine de médecins libéraux qui ont expérimenté le DMP en Picardie, le Dr Gilles Revaux est aujourd'hui dans l'expectative. Alors que son cabinet était plein à craquer de journalistes fin septembre, lors de la venue de Xavier Bertrand, le Dr Revaux dit que les dossiers «n'ont jamais vraiment marché», même si le DMP est «une belle idée» sur le papier. Après le retrait annoncé de l'Urml, il le voit «en stand-by», si bien qu'il «fait moins d'efforts pour numériser tous (ses) documents parce que cela (lui) prend beaucoup de temps».