Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012

Assemblée nationale - Première séance du mardi 29 novembre 2011

Texte original sur assemblee-nationale.fr

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le président, madame la secrétaire d’état, mes chers collègues, je tâcherai de m’exprimer en responsabilité, comme l’a réclamé M. Rolland,…

M. Philippe Vitel. Ce sera nouveau !

M. Gérard Bapt. …et comme a tenté de le faire votre collègue de la majorité, fût-il centriste, M. Préel, en proposant une augmentation de 0,5 point de la CSG pour voter un budget en équilibre.

J’évoquerai pour commencer une des mesures phares de la loi TEPA : l’exonération des heures supplémentaires, qui coûtera, en 2012, 4,9 milliards d’euros, dont 3,5 milliards à la sécurité sociale.

Cette exonération était censée promouvoir l’emploi et augmenter le pouvoir d’achat. Pourtant, le Conseil des prélèvements obligatoires a indiqué dans son rapport son « effet ambigu », la mesure se substituant à l’embauche, notamment en période de hausse du chômage – et il explose malheureusement aujourd’hui – où elle devient particulièrement contre-productive.

D’autre part, le bénéfice, pour le salarié, augmente avec son niveau de revenu. L’inspection générale des finances a indiqué que ce dispositif multipliait les gains par trois pour les mêmes heures supplémentaires lorsque les revenus se situent dans les déciles supérieurs par rapport aux déciles inférieurs.

Il s’agit donc, j’y insiste, d’une mesure contre-productive en matière d’emploi, inégalitaire dans l’avantage de revenu qu’elle procure en faveur des salaires les plus élevés et offrant un effet d’aubaine aux entreprises puisque le nombre total des heures supplémentaires n’a pas significativement augmenté. Ce dispositif inefficace et coûteux doit donc être supprimé.

Madame la secrétaire d’état, la majorité a fait preuve d’un demi-courage en supprimant à moitié le bouclier fiscal pour l’an prochain. Nous l’appelons à faire preuve d’un vrai courage dans un plan qui va nous être proposé très certainement dans les mois ou les semaines qui viennent et à supprimer cette disposition, ce qui rapporterait 3,5 milliards d’euros de recettes non pas nouvelles mais, si je puis dire, de recettes non gaspillées pour la sécurité sociale.

Le deuxième grand thème abordé au cours de la discussion du présent projet de loi est la lutte contre les fraudes, thème repris dans le discours prononcé par le Président de la République le 15 novembre dernier à Bordeaux. Il a rappelé que 460 millions d’euros de fraude avaient été détectés en 2010 par les différents organismes de contrôle.

Je vous ferai observer que la Cour des comptes a évalué les fraudes aux prestations, imputables à l’usager, à 2 voire 3 milliards d’euros, tandis que les fraudes aux prélèvements, imputables, elles, à l’employeur, sont estimées à 8 voire 15 milliards d’euros, c’est-à-dire quatre à cinq fois plus.

La MECSS, dont l’un des coprésidents préside en ce moment la séance, a évalué à 10 milliards d’euros le coût pour les organismes de sécurité sociale du travail non déclaré, la responsabilité étant là aussi celle de l’employeur.

En matière de recouvrement, toujours selon le Président de la République, sur les 460 millions d’euros récupérés, 300 millions concernent les prestations mais seulement quelque 150 millions les prélèvements, à savoir les employeurs. Alors même que la prévalence des fraudes aux prélèvements est, j’y insiste, de quatre à cinq fois plus élevée que celle des fraudes aux prestations, le recouvrement a été moitié moindre pour les premières !

Le bilan 2010 de la lutte contre la fraude à la sécurité sociale, établi par la délégation nationale qui porte ce nom et qui dépend du ministère du budget, indique que, pour 156 millions d’euros de fraude détectés concernant l’assurance maladie, 80 % sont le fait des professionnels de santé. On peut néanmoins isoler les sommes imputables aux établissements de santé, la fraude à la tarification à l’acte, car il peut en l’occurrence s’agir d’erreurs de comptabilité ou d’interprétation. Il reste tout de même, sur ces 156 millions, 45 millions d’euros imputables aux professionnels indépendants !

L’essentiel des fraudes à l’assurance maladie dues à des professionnels met en jeu des sommes importantes. Lorsque certains pharmaciens, infirmiers ou transporteurs sanitaires facturent irrégulièrement des médicaments ou des services, ce sont chaque fois plusieurs centaines de milliers d’euros qui sont en cause, ce qui est très supérieur aux quelques centaines ou milliers d’euros récupérés comme indus sur certains prestataires, parfois victimes d’erreurs administratives, mais aussi, dans d’autres cas, responsables de dissimulation.

Les professionnels sont responsables de 40 % des fraudes à l’assurance maladie, soit 62 millions d’euros, dont 50 millions pour les seuls transporteurs. Mais, au lieu de ces gros fraudeurs, quels sont les professionnels les plus montrés du doigt, bien que les montants qui leur sont imputables apparaissent comme anecdotiques ? Eh bien, ce sont les médecins, pour 5 millions d’euros ; les dentistes, pour 3 millions ; les masseurs kinésithérapeutes, pour 2 millions. Les assurés sociaux, quant à eux, dans le cadre de la couverture médicale universelle complémentaire, fraudent à hauteur de 2,5 millions d’euros. La fraude à l’aide médicale d’état, concernant ces étrangers si souvent montrés du doigt, atteint moins de 3 millions d’euros. Enfin, la fraude aux indemnités journalières représente 5,4 millions d’euros.

Si l’on compare ces sommes aux 10 milliards d’euros que représente le travail au noir selon la MECSS, 10 milliards de la responsabilité des employeurs, on peut vraiment parler de broutilles.

Certes, voler la sécurité sociale, c’est voler l’ensemble des assurés, mais il y a les gros et les petits. Or vous persistez, madame la secrétaire d’état, et le Gouvernement avec vous, à désigner comme fraudeurs ceux qui se rendraient coupables d’arrêts maladie abusifs. J’entendais tout à l’heure le ministre de la santé répéter qu’un dispositif était à l’étude pour permettre le remboursement, par le patient qui en aurait profité, des indus d’indemnités journalières. Il s’agit là d’un terrain glissant. Le patient, s’il est reconnu avoir bénéficié d’un arrêt maladie abusif, n’en a pas été le prescripteur. Quand on prescrit, il y a possibilité de contrôle. Mais le contrôle médical est affaire difficile dès lors que l’un des piliers de la médecine libérale est la liberté de prescription. Comment le médecin contrôleur pourrait-il se prévaloir d’un avantage hiérarchique sur le médecin prescripteur et prétendre rendre un avis qui aboutirait au remboursement ? L’article 103 du code de déontologie médicale l’interdit. La jurisprudence a déjà exclu la responsabilité d’un patient qui respecte une prescription médicale. Voilà pourquoi, madame la ministre, j’invite le Gouvernement à la plus grande prudence avant de mettre en place ce dispositif qui conduirait à obtenir le remboursement de la part d’un patient de sommes considérées comme indues par un contrôleur médical.

Je vous inciterai également à la plus grande prudence et sans doute à effectuer une pause afin d’évaluer le dossier médical partagé. La mise en place de ce dernier, promise en 2004 pour 2007 – il s’agissait alors du dossier médical personnel – par l’un de vos prédécesseurs, M. Douste-Blazy, au sortir d’une clinique de Toulouse, visait à économiser 3,5 milliards d’euros. On connaît la suite : un GIP fut créé et tourna en rond entre 2004 et 2009 au prétexte de problèmes de gouvernance, mais au prix de dizaines de millions d’euros. Après cette longue hésitation, décision a été prise de constituer une nouvelle agence regroupant un certain nombre de missions, notamment celle visant à mettre en place un dossier médical partagé, l’ASIP, l’Agence des systèmes d’information partagés.

Vos choix se sont révélés lourds : passer par internet avec un hébergeur unique. Se posent dès lors des problèmes de confidentialité. Tous les jours, le piratage et la substitution d’identité fleurissent sur les systèmes les mieux protégés. Si les plus grands systèmes étatiques et industriels, y compris celui du Pentagone, sont pénétrés par des hackers – même le site du groupe UMP a récemment été pénétré –,…

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d’état. Merci de comparer l’UMP au Pentagone (Sourires)

M. Gérard Bapt. …qu’en sera-t-il de la sécurité des données conservées par le nain informatique que vous avez choisi, SANTEOS ? Et pour quel coût ? Lors de l’examen du texte en commission élargie, j’avais demandé à Mme Nora Berra de me fournir par écrit le montant des sommes déjà engagées pour la mise en place du dossier médical partagé, mais j’attends toujours…

Aujourd’hui, seuls 39 000 dossiers ont été créés, pour un coût approchant les 200 millions d’euros. Des subventions de 50 000 à 100 000 euros viennent d’être promises aux établissements qui adopteraient le dispositif, et 280 établissements se sont déjà portés candidats : on peut presque s’étonner qu’il n’y en ait pas davantage. Il se dit également que 50 millions d’euros ont été consacrés à la promotion du système. Mme la secrétaire d’état, je vous ai connue, lorsque vous siégiez sur les bancs de notre commission des finances, très attentive à la question de l’efficience des crédits publics engagés…

Au moment où les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, qui avait déjà dépensé plus d’un milliard de livres, ont abandonné le dossier médical personnel centralisé, et alors que l’Allemagne s’oriente vers le même choix, les Américains lancent, eux, un dossier médical informatisé sur support mobile.

Un certain nombre de députés, dont M. Vitel, avaient proposé une expérimentation du dossier médical personnel sur support mobile, mais cette expérimentation a été confiée à la même ASIP, qui doit donc à la fois mettre en place un dossier médical partagé, centralisé sur un hébergeur unique, et une expérimentation qu’elle n’a dans ces conditions pas forcément pour vocation première de conduire avec succès.

M. Jean-Luc Préel. Aïe, aïe, aïe !

M. Gérard Bapt. Je souhaite donc, par esprit de responsabilité, madame la secrétaire d’état, qu’on évalue à partir des 39 000 dossiers déjà créés l’utilisation qui en sera faite par les médecins, car la mise en place et l’exploitation de ce dossier vont demander beaucoup de temps « médical ».

Quoi qu’il en soit, nous sommes appelés aujourd’hui à nous prononcer sur un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui, à l’évidence, se trouve déjà dépassé dans le contexte économique chaotique que nous connaissons. C’est pourquoi le groupe socialiste ne pourra pas le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’état, madame et messieurs les rapporteurs, en première lecture, le Gouvernement avait, avec une arrogance décomplexée, placé ce texte sous le double signe de la responsabilité et de la justice sociale, et prétendu sauvegarder le caractère solidaire de notre système de protection sociale. Vos justifications sonnaient presque comme un aveu visant à mieux vous faire pardonner l’absence totale de ces deux notions dans les mesures de ce PLFSS.

Parlons de responsabilité. Où est la responsabilité dans la procédure au pas de charge que vous nous avez imposée en deuxième lecture, marquée par un déni de démocratie sociale et un mépris flagrant pour le travail parlementaire ?

Où est la responsabilité dans ce texte qui ne respecte en rien l’exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité du débat parlementaire en général et du débat budgétaire en particulier ? Est-il responsable de fixer l’ONDAM au taux le plus bas de son histoire en faisant peser l’essentiel de l’effort de maîtrise des dépenses sur le secteur hospitalier et en transférant sur les malades les coûts de leur guérison ?

Est-il responsable, de la part d’un gouvernement, de minorer comme vous le faites le poids du reste à charge pour les assurés et l’augmentation préoccupante des refus de soins pour motif économique ?

Où est la responsabilité dans votre refus dogmatique de tirer les leçons de vingt-cinq ans de politiques de maîtrise des dépenses de santé ? Trois décennies de libéralisme ont pourtant montré que l’explosion des déficits résulte d’une réduction de la croissance des recettes consécutive à la faiblesse des créations d’emplois et à leur précarisation croissante, et non, comme vous tentez de le faire croire, d’un excès de dépenses.

Où est la responsabilité dans vos politiques économiques, dont dépendent en grande partie le financement de la sécurité sociale ? Le budget de l’emploi est en baisse de 12 % pour 2012, et le nombre de contrats aidés passera de 520 000 à 390 000 l’an prochain. Quelle faute politique en ces temps de crise sur le marché de l’emploi !

Vous maintenez les allégements généraux de cotisations sociales sur les bas salaires, qui enferment les travailleurs dans la précarité, et l’exonération de cotisations sur les heures supplémentaires, en dépit d’avis réitérés de la Cour des comptes et de Bercy sur l’inefficacité de telles mesures.

Les conséquences de votre irresponsabilité patente se mesurent à l’aune de la situation économique de notre pays et des chiffres désastreux du chômage, dont vous êtes entièrement coupables et comptables : entre septembre et octobre, le nombre de chômeurs de catégorie A a augmenté de 1,2 %, plus 6,9 % pour les femmes, plus 15,5 % pour les seniors ; en un an, la hausse est de 4,9 % et, si l’on y ajoute les chômeurs des catégories B et C, le rythme de progression annuel passe à 5,2 % – encore ces chiffres ne valent-ils que pour la métropole !

Rappelons que M. Bertrand affirmait faire de l’emploi sa priorité, en prétendant ramener le chômage en dessous de la barre des 9 % : l’OCDE prévoit aujourd’hui qu’il dépassera malheureusement les 10 % en 2012 ! Nous vous tenons légitimement pour coupables de l’augmentation de 36 % du chômage toutes catégories confondues, entre 2008 et 2012, ce qui représente plus d’un million de chômeurs supplémentaires.

Où est la responsabilité, face à ces faits et à ces chiffres, dans votre refus obstiné des propositions formulées dans cet hémicycle et que le Sénat avait eu le courage de voter ? Nous vous proposions des ressources pérennes, responsables, vertueuses et surtout équitables et justes pour nos concitoyens. Vous les avez balayées avec insolence et dédain !

Tout dans ce PLFSS, le dernier d’un quinquennat désastreux pour les comptes de la sécurité sociale autant que pour les assurés, témoigne de votre absence totale de responsabilité budgétaire et de votre profond mépris pour tout ce qui touche à la solidarité.

Parlons de justice sociale et de solidarité, deux notions que vous bafouez en permanence ! Où sont la justice sociale et la solidarité dans votre mesure de désindexation des prestations familiales au profit d’une revalorisation forfaitaire au taux de 1 %, pour un rendement ridicule, de l’ordre de 300 millions d’euros ? Vous savez que cette mesure appauvrira mécaniquement les ménages et touchera de plein fouet les familles monoparentales, au premier rang desquelles se trouvent surtout des femmes seules avec leurs enfants. Or, actuellement, le tiers de ces familles, soit 1,6 million de personnes, vivent sous le seuil de pauvreté fixé à 954 euros par mois. Pour ces familles, un euro, c’est un repas !

Comment osez-vous dès lors laisser entendre, comme l’a fait Mme Bachelot, qu’un manque à gagner de 100 euros en moyenne n’affectera que de manière très limitée les allocataires ? On frise ici la provocation ! Cent euros pour ces familles, ce n’est pas de l’argent de poche : cela représente un mois de produits alimentaires de première nécessité pour nourrir un enfant !

Où sont la justice sociale et la solidarité dans le doublement de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance complémentaire santé solidaires et responsables et sur les contrats des mutuelles étudiantes ? C’est une mesure qui accentuera les inégalités d’accès aux soins et qui s’ajoute à d’autres déjà dramatiques du point de vue de la santé publique, telles que les franchises médicales ou le forfait hospitalier, qui ont fait exploser – toutes les études le démontrent – le reste à charge et le taux de renoncement aux soins.

Où sont la justice sociale et la solidarité dans l’accélération inopinée de l’application de la réforme des retraites, qui pénalise un nombre croissant d’assurés alors que ceux-là mêmes qui devaient partir à la retraite sont les plus touchés par le chômage ? Rappelons qu’en un an le nombre de chômeurs de plus de cinquante ans a augmenté de 14,3 % et que des milliers de seniors se trouvent privés par vos décisions d’emploi et de retraite.

Où sont la justice sociale et la solidarité dans la mesure annoncée ce jour de baisser les indemnités journalières pour les salaires supérieurs à 1,8 fois le SMIC ?

La solidarité, pour ce gouvernement et sa majorité, cela consiste à demander toujours plus d’efforts à ceux qui donnent déjà le maximum au financement de la sécurité sociale et subissent aujourd’hui le plus durement la crise, ouvriers, salariés, bas revenus, étudiants, familles monoparentales, classes moyennes, futurs retraités, malades et précaires.

La justice sociale, pour ce gouvernement et sa majorité, c’est faire peser 86 % des mesures d’économies sur les revenus du travail des assurés que je viens de citer, sans jamais prendre, ou si peu, aux patrimoines des plus aisés de nos concitoyens !

La réalité, c’est que ce PLFSS n’est ni responsable, ni solidaire, ni juste. La réalité, c’est que vous êtes coupables de la dégradation de la situation économique et de celle de nos comptes sociaux.

Pour couronner le tout, votre politique est jalonnée de mensonges permanents. Mensonge sur la prétendue neutralité de vos mesures fiscales et sociales pour nos concitoyens alors que vous avez créé pas moins de vingt-quatre taxes nouvelles et augmenté le poids des prélèvements obligatoires dans le revenu des ménages de 1,6 % en cinq ans ; le candidat-président avait pourtant affirmé qu’il n’avait pas été élu pour augmenter les impôts…

Mensonge à répétition sur le retour à l’équilibre des comptes sociaux : vous nous annonciez déjà il y a six ans le rétablissement des comptes de la sécurité sociale pour 2008 ; vous avez en 2007 repoussé cet objectif à 2010, puis à 2012… Aujourd’hui, vous nous annoncez que vous y arriverez à l’horizon 2015 : un mensonge de plus dans le contexte économique actuel !

Mensonge par omission sur la fraude sociale : vous dénoncez la fraude sociale des assurés en faisant un amalgame nauséabond entre fraudeurs, malades et étrangers. Cette stigmatisation cache mal votre absence criante de résultats et l’injustice sociale de vos politiques.

En revanche, vos communications ne disent rien sur la fraude sociale des entreprises et du patronat, rien sur le travail dissimulé ou l’emploi de travailleurs sans papiers, rien sur la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles, qui coûtent près d’un milliard par an à la sécurité sociale, rien non plus sur les contrats de travail frauduleux, les licenciements et les plans sociaux déguisés en ruptures conventionnelles, alors que cette fraude pèse entre et 15 et 20 milliards d’euros.

Mensonge par omission encore sur les déficits : vous oubliez de rappeler que, de 2007 à 2010, vous les avez multipliés par 3 !

Mensonge toujours : vous claironnez votre volonté de ne pas faire supporter le poids de vos turpitudes aux générations futures, alors que vous transférez toujours davantage les dettes des caisses à la CADES et maintenez son plafond d’emprunt à un niveau indécent, qui fragilise le système de protection sociale dans son ensemble.

Mensonge à nos concitoyens, et surtout à nos concitoyennes : sous la pression du MEDEF, vous n’avez quasiment rien fait en dix ans en faveur de l’exigence constitutionnelle d’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Si elle était effective, elle rapporterait 35 milliards d’euros au budget de la sécurité sociale !

Mensonge et irresponsabilité enfin sur vos prévisions macroéconomiques surréalistes : en première lecture, vous reteniez sans en démordre une hypothèse de croissance de 1,75 %, alors que toutes les études tablaient plutôt sur 1 %. Aujourd’hui, Mme Pécresse maintient sa prévision à 1 % pour 2012, alors que l’OCDE prévoit au mieux 0,3 %, au pire une récession. Vous frisez le ridicule !

à l’heure du bilan social de cette législature, nous pouvons sans crainte affirmer que le Président de la République et son gouvernement sont ceux qui auront, à rebours des avancées sociales qui caractérisent la Ve République, le plus fragilisé la sécurité sociale, cassé la solidarité nationale, précarisé nos concitoyens et creusé les inégalités sociales, notamment face au système de soins.

« Payer plus pour avoir moins », telle pourrait être la nouvelle devise de l’UMP ! Ce PLFSS témoigne malheureusement de l’entreprise de démantèlement de notre système de protection sociale menée tambour battant par cette majorité.

Vous l’aurez compris, les députés communistes, républicains citoyens et du Parti de gauche nourrissent et défendent d’autres ambitions pour notre pays et nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’état, mes chers collègues, la loi de financement de la sécurité sociale revient donc devant nous pour la lecture définitive après que le Sénat a refusé de la discuter en nouvelle lecture. Nous devons donc nous prononcer sur le texte qui a été adopté par notre assemblée le 21 novembre.

Cette loi est très importante puisque elle propose la somme considérable de 475 milliards pour les régimes obligatoires de base et le Fonds de solidarité vieillesse, somme bien supérieure au budget de l’état.

Chacun de nos concitoyens est concerné, puisqu’il s’agit des dépenses prises en compte par la collectivité nationale concernant la santé, la famille et la retraite.

La loi a été modifiée en deuxième lecture. Nous sommes revenus pour l’essentiel au texte voté en première lecture, mais en intégrant les modifications proposées par le Gouvernement pour tenir compte de la réduction de la croissance prévue et des conséquences qu’il en tire plutôt que d’attendre une loi de financement rectificative.

Je voudrais tout d’abord rappeler qu’en première lecture, le groupe Nouveau Centre s’était abstenu unanimement, parce que nous discutions d’un projet de loi basé sur une espérance de croissance de 1,75 % alors que celle-ci avait été déjà revue à la baisse à 1 % et que les recettes étaient donc, hélas, trop optimistes.

Mais nous nous étions surtout abstenus parce que nous voulions que la loi de financement de la sécurité sociale soit votée en équilibre, ce que nous appelons la règle d’or sociale, et parce que nous demandions également que soient enfin mises en place, pour tenir compte de la création des agences régionales de santé, des enveloppes régionales – les ORDAM.

Or, force est de constater que le rapporteur et le Gouvernement n’ont pas bougé sur ces deux points. Il est tout à fait incompréhensible que le Gouvernement ne demande pas lui-même un vote à l’équilibre.

C’est le Gouvernement qui préconise par ailleurs la « règle d’or » pour qu’au moins les dépenses de fonctionnement soient financées par des recettes équivalentes. Tout le monde explique qu’il n’est pas acceptable de faire payer à nos enfants ou nos petits-enfants nos propres dépenses pour la santé, la famille et la retraite. Or, dans cette loi, 8,2 milliards d’euros de dépenses ne sont pas financés et aggraveront d’autant la dette.

Le Nouveau Centre vous propose une mesure simple : le transfert à la CADES de ces 8,2 milliards, moyennant une augmentation fort modeste – 0,05 % - de la CRDS, à laquelle sont assujettis tous les revenues, et qui passerait ainsi à 0,55 %. Cette augmentation, à peine visible sur la feuille de paye, sera la participation de nos concitoyens à l’effort demandé pour équilibrer les comptes, et serait bienvenue pour les agences de notation.

Elle ne pèserait pas sur le pouvoir d’achat, pas plus en tout cas que de faire passer la base de la CSG de 97 à 98 % du salaire, ce que personne n’a relevé. Je m’étonne que le Nouveau Centre soit le seul parti à demander un vote de la loi en équilibre ; c’est pourtant une demande de bon sens.

Mme la ministre des comptes sociaux m’a dit que j’avais raison, mais que c’était trop tôt. De mon point de vue et de celui du Nouveau Centre, il n’est pas trop tôt pour voter la loi de financement de la sécurité sociale en équilibre.

La deuxième demande que le Nouveau Centre formule avec insistance, c’est le vote d’enveloppes régionales, ou ORDAM. En effet, la création des ARS devait remédier à un défaut majeur de notre système de santé : la séparation absurde entre la prévention et le soin, la ville et l’hôpital, le sanitaire et le médico-social. Avec les ARS, nous avons un responsable unique de la santé au niveau régional. Le Nouveau Centre s’en félicite, même si nous regrettons que ce soit par une réforme jacobine, centralisatrice, déresponsabilisante.

Mais, dans le même temps, nous votons un ONDAM avec des sous-objectifs, c’est-à-dire des enveloppes fléchées pour la ville, l’hôpital, le médicament et le médico-social, faisant ainsi perdurer le défaut majeur que nous avons voulu supprimer grâce à la création des ARS.

Beaucoup aujourd’hui réclament une fongibilité des enveloppes : les ARS elles-mêmes, bien sûr, mais aussi le comité Fourcade de suivi de la loi HPST, dont notre rapporteur Jean-Pierre Door est un membre éminent.

Là encore, Mme la ministre pense que nous avons raison mais qu’il est trop tôt. C’est toujours agréable de s’entendre dire que l’on a raison, mais pourquoi attendre ?

Nos opposants font valoir que la mise en œuvre serait compliquée.

Le Nouveau Centre fait donc deux propositions. La première, qui a le soutien du président Méhaignerie, est d’expérimenter notre proposition dans deux ou trois régions. La seconde est d’affecter à chaque région l’enveloppe qu’elle a reçue en 2011, majorée de 2,5 %. Quoi de plus simple ?

On me dira que, cette année, va être créé le fonds d’intervention régional. C’est un petit pas, bienvenu certes, vers la fongibilité. Mais que de timidité ! Les ARS auront-elles toute latitude pour utiliser ce fonds, ou seront-elles « cornaquées », comme d’habitude, par le ou les ministères ?

Le Gouvernement a profité de la nouvelle lecture pour réviser les perspectives de croissance, donc les recettes, et nous présenter des mesures correctives pour en tenir compte. Les prévisions de croissance sont ainsi ramenées de 1,75 % à 1 %.

Certains, plus pessimistes encore, pensent que ce chiffre sera difficilement atteint. Nous espérons tous qu’il pourra être réalisé, notamment pour l’emploi.

Mais cette baisse, si nous ne souhaitons pas que le déficit augmente, conduit à proposer des diminutions de dépenses pour les branches maladie, famille et vieillesse.

Pour la branche maladie, l’ONDAM est ramené de 2,8 à 2,5 %. Ces deux dernières années, l’ONDAM a été respecté, moyennant une maîtrise médicalisée qui a imposé des économies à plusieurs secteurs, comme le médicament, et à plusieurs professions, notamment les radiologues et les biologistes.

Avec la prévision initiale de 2,8 %, l’ONDAM s’élevait à 171,7 milliards en 2012. L’évolution tendancielle, compte tenu du vieillissement, des améliorations technologiques, de la nécessité d’investir, est estimée à 4 %. Pour tenir un ONDAM de 2,8 %, il était donc nécessaire de faire des économies de l’ordre de 2 milliards.

Pour tenir un ONDAM à 2,5 %, il faudra faire 500 millions d’économies supplémentaires. En outre, compte tenu de l’ONDAM médico-social, l’ONDAM de la médecine de ville et des établissements est en réalité à 2,4 % voire à 2,3 %. Si l’on met de nouveau en réserve 500 millions en début d’année, beaucoup d’établissements publics et privés risquent de connaître de grandes difficultés, car les dépenses de personnel constituent jusqu’à 75 % des dépenses. De plus, les nombreux établissements qui ont investi ont des emprunts à rembourser. Cette année sera donc difficile, et les suivantes tout autant, puisque vous révisez à la baisse l’ONDAM des prochaines années.

Quant à l’ONDAM ville, sera-t-il au même niveau que l’ONDAM hospitalier, comme vous vous y étiez engagés, ou sera-t-il à 2,1 %, comme les syndicats médicaux le laissent entendre avec courroux ?

Vous demandez un nouvel effort aux radiologues et aux biologistes. Vous savez que de nombreux petits laboratoires qui participent au maillage du territoire connaissent déjà de grandes difficultés. Comment leur permettre de survivre alors qu’ils devront faire face à l’accréditation prévue par l’ordonnance dite Ballereau ? D’ailleurs, ce texte concernant la biologie sera-t-il repris prochainement, après son annulation par le Conseil constitutionnel ?

Vous mettez à nouveau à contribution l’industrie pharmaceutique par des baisses de prix. La contribution globale de ce secteur sera, en 2012, de l’ordre d’un milliard.

Si, dans le domaine du médicament, il convient de rendre confiance à nos concitoyens, il est nécessaire aussi de rendre confiance à l’industrie en assurant une stabilité durable.

Nous avons besoin d’une industrie performante pour créer des emplois, certes, mais surtout pour trouver les médicaments dont nous avons et aurons besoin, notamment contre le cancer, les maladies orphelines, les maladies tropicales. Notre pays a longtemps été à la pointe dans ce domaine. Le restera-t-il ? C’est souhaitable.

Vous prévoyez de baisser le prix des génériques, qui sont plus chers que chez nos voisins. Mais, comme vous le savez, de nombreuses officines rencontrent des difficultés et leur revenu dépend grandement de la marge, liée aux prix, des génériques. Baisser ces prix accroîtra leurs difficultés et plus encore celles des petites officines rurales.

Dans le domaine de la santé, des efforts sont donc demandés, et ils touchent tous les secteurs.

Nous pouvons encore gagner en efficience, mais cela nécessite de revoir la formation initiale et continue, de mettre en œuvre les bonnes pratiques diagnostiques et thérapeutiques et d’évaluer.

L’important est de permettre l’égal accès de tous à des soins de qualité, à tarif remboursable, partout sur le territoire. Cela nécessite de résoudre les problèmes de démographie et de répartition sur le territoire et des dépassements d’honoraires.

Vous nous proposez un ersatz – des syndicats ont repris le terme – de secteur optionnel. Ce n’est pas la panacée. Il ne résout ni les difficultés des spécialités cliniques, ni celles du secteur 1, ni celles des gros dépassements. L’idéal serait de mettre en place une classification commune des actes médicaux, ou CCAM clinique, et de la réévaluer régulièrement, de même que la CCAM technique.

Pour les indemnités journalières, vous avez renoncé, semble-t-il, au quatrième jour de carence pour les salariés du privé, mais vous instaurez un premier jour de carence pour les fonctionnaires. Certes, pour ces derniers, il s’agit d’une première, mais nous sommes loin de l’équité ; un même délai ne devrait-il pas être appliqué à tous ?

Pour la retraite, vous proposez d’avancer d’un an les mesures prévues par la dernière réforme. L’effort demandé à chacun est modeste et l’économie non négligeable. Cependant, je voudrais rappeler que l’équilibre prévu en 2018 table sur une croissance à 2,75 %, ce que personne, hélas, ne croit possible. L’équilibre sera donc difficile à atteindre.

Le Nouveau Centre souhaite la mise en place d’un régime universel, géré par les partenaires sociaux, à points ou à compte notionnels, avec mise en extinction des régimes spéciaux.

Pour la branche famille, après avoir décidé de retarder au 1er avril la revalorisation des allocations, vous nous proposez de les indexer sur la croissance et non plus sur l’inflation. Cette mesure procurera des économies mais diminuera le pouvoir d’achat des familles.

Pour le Nouveau Centre, il est important, dans ce contexte de crise, de ne pas faire peser sur les ménages le poids des mesures de rigueur budgétaires. Plus que jamais, il est essentiel de protéger la politique familiale et de participer à la relance de la croissance par la consommation des ménages.

Le Nouveau Centre soutient le plan de rigueur, mais propose que la perte de 300 millions d’euros de recettes, qu’impliquerait le maintien de la revalorisation des allocations familiales, soit compensée par une réduction de 0,05 % des prélèvements sur les recettes de l’état au profit des collectivités territoriales.

Cette mesure permettrait de répondre aux objectifs et ferait participer les collectivités territoriales à l’effort de redressement de nos finances publiques.

Pour conclure, le groupe Nouveau Centre, conscient des difficultés économiques, soutient l’effort demandé à chacun.

Cependant, nous avons plusieurs propositions innovantes qui, à notre sens, mériteraient d’être étudiées avec sérieux et prises en compte, concernant notamment : le vote en équilibre de la loi de financement de la sécurité sociale, la règle d’or sociale ; la création d’objectifs régionaux de l’assurance maladie ; les dépassements d’honoraires ; la réforme des retraites, avec mise en place d’un régime universel ; l’effort des collectivités territoriales pour préserver la politique familiale.

Comme en première et deuxième lecture, les propositions du Nouveau Centre n’ayant pas été prises en compte, notre groupe s’abstiendra lors du vote final sur ce texte.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’état, chers collègues, notre modèle social fait aujourd’hui partie de l’identité de notre nation. les Français y sont viscéralement attachés car c’est l’héritage du Conseil national de la Résistance, le fruit de notre histoire et de nos valeurs. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Comme le disait notre président Nicolas Sarkozy ce 15 novembre à Bordeaux, nous devons être fiers de rappeler que, dans notre pays, on ne laisse pas au bord du chemin ceux qui sont frappés par la maladie, l’âge, la dépendance ou le handicap ; qu’en France on ne perd pas sa couverture maladie parce qu’on perd son emploi ; qu’en France on ne perd pas sa retraite par le fait des errements de la finance internationale ; qu’en France on garantit aux plus démunis un accès aux soins. Tout cela est absolument sans équivalent dans le monde.

Mais force est aussi de constater que la société française évolue, que son environnement se transforme, que grâce aux progrès de la médecine et à notre système de santé la véritable révolution est celle de l’espérance de vie et que, dans ce nouveau contexte, notre modèle social doit rester vivant.

Il est de notre responsabilité de le sauver et de le pérenniser, donc de le réformer et de l’adapter aux exigences du XXIe siècle.

Aussi ne puis-je que m’associer au premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, lorsqu’il déclare : « La réduction rapide des déficits sociaux et le retour à un équilibre durable qui ne fasse plus peser sur la génération à venir le poids de la dette sociale, suppose ainsi un effort de réforme multiple dans ses points d’application, continue dans sa durée et d’une ampleur à la hauteur des enjeux qui représente la nécessité de préserver le haut degré de protection sociale de notre pays. »

Continuer sans relâche notre politique de rétablissement et de retour à l’équilibre tout en nous adaptant de manière très réactive aux évolutions conjoncturelles que cette crise génère et cela en consolidant le caractère universel, solidaire et humaniste de notre modèle social, voilà ce que propose ce PLFSS 2012, répondant ainsi à la fois aux souhaits de Nicolas Sarkozy et de Didier Migaud.

Je souligne en particulier que l’ONDAM est fixé à 2,5 % pour un objectif de croissance de 1 %, l’ONDAM médicosocial à 4 %, dont 6 % pour le secteur des personnes âgées, tout cela en réduisant le déficit global de 40 %, celui de la branche maladie de 50 % et celui de la branche famille de 25 % par rapport à 2011.

Notons encore que, dans ce PLFSS, les prestations sociales et familiales sont en hausse de 1 %, les revenus de remplacement et des retraites indexées sur la hausse des prix. Il comporte également des efforts d’efficience tous azimuts reposant sur des mesures de convergence réalistes et des mesures respectueuses des aspirations des professionnels de santé comme la mise en place du secteur optionnel.

Nous avons aussi décidé d’engager une action résolue contre la fraude sociale, dont les évaluations les plus basses fixent le montant au même niveau que celui de notre déficit.

Il est donc de la plus haute importance de s’atteler à mettre en musique les dispositions proposées à l’unanimité par la MECSS. Nous les avons largement reprises dans ce texte.

Nous pouvons ainsi être fiers de respecter à la lettre l’ambition du Conseil national de la Résistance de construire un système responsable et digne pour une France démocratique et libre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Madame la secrétaire d’état, il est intéressant, à l’occasion de la discussion du dernier PLFSS de ce quinquennat, d’examiner le résultat de la politique du gouvernement.

Au début de la législature, vous déploriez l’héritage des précédents gouvernements. Ensuite vous nous avez demandé d’attendre les premiers résultats de vos politiques. Maintenant, le temps du bilan est venu, et il n’est pas fameux, si l’on considère la dégradation de nos comptes sociaux et celle de la protection sociale des assurés.

De grâce, ne nous ressortez pas le couplet sur la crise : même la Cour des comptes a estimé que l’impact de la crise n’était que pour un tiers dans ce creusement des déficits, qui ont triplé entre 2007 et 2010.

Mme Marie-Christine Dalloz. à cause de la crise, justement !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Ce qui nous inquiète dans ce projet pour 2012, c’est l’absence de perspectives d’amélioration et de pérennisation de notre système de santé, en même temps que la multiplication de dispositions aussi injustes qu’inefficaces.

Bien entendu, nous sommes conscients de la nécessité de rétablir les comptes sociaux et de tenir compte d'un contexte difficile, mais nous refusons les mesures d'austérité que vous proposez car vous ne voulez pas faire partager les efforts que vous faites supporter à ceux de nos concitoyens qui vivent déjà des situations difficiles et pâtissent très directement de la crise. Je pense, entre autres, aux ouvriers, aux salariés, aux étudiants, aux familles monoparentales, aux malades et aux personnes âgées.

Il existe des niches sociales comme il existe des niches fiscales. C'est là qu’il faut trouver les ressources nécessaires, à commencer par la suppression des exonérations qui bénéficient aux heures supplémentaires et qui privent la sécurité sociale d'environ 4,5 milliards d'euros.

Si vous avez du mal à imaginer comment améliorer les recettes de nos comptes sociaux, vous ne manquez jamais d'imagination pour faire adopter des mesures qui pénalisent les assurés sociaux. Je ne parle même pas de la hausse de la TVA qui va durement frapper les plus modestes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je pense aux franchises médicales, au forfait hospitalier, à la taxe sur les mutuelles, à la désindexation des prestations familiales, aux promesses non tenues pour la garde des enfants, à la suppression de la majoration pour quotient familial, à la majoration des allocations familiales reportée de onze ans à quatorze ans, au gel des prestations familiales en 2010, à la suppression de la rétroactivité pour le versement des allocations logement... Non, décidément, votre bilan n'est pas fameux !

Je souhaite revenir sur trois mesures particulièrement injustes.

La première concerne les retraites. La réforme de 2010 prévoyait un recul de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite et de l’âge de départ sans décote – qu’elle fixait respectivement à 62 et 67 ans. En décidant de prendre un an d’avance sur le calendrier initialement prévu, vous pénalisez encore davantage les retraités à la carrière incomplète et plus spécifiquement les femmes. Vous voulez tout simplement économiser 4,4 milliards d’euros d’ici à 2016 sur le dos des retraités.

M. Arnaud Robinet et M. Philippe Vitel. Tout cela est irréel !

Mme Marie-Françoise Clergeau. La deuxième mesure que je veux évoquer porte un coup sévère aux prestations familiales et, en conséquence, au pouvoir d’achat des familles. En effet, vous pénalisez ces dernières en fixant désormais la date de l’augmentation annuelle des prestations familiales au 1er avril plutôt qu’au 1er janvier. Sur l’année complète, ce décalage de trois mois réduit l’augmentation prévue : en 2012, elle passera de 1 % à 0,75 %, alors même que vous aviez promis une progression de 2,3 % pour janvier 2012. Il s’agit bien d’un véritable recul du pouvoir d’achat des familles, sur le dos desquels vous faites, au total, une économie de 500 millions d’euros.

La troisième mesure injuste consiste à réduire le montant des indemnités journalières pour les assurés sociaux qui perçoivent un salaire supérieur à 2 400 euros brut. Cette économie, lourde de conséquence pour les salariés, est faite, cette fois, sur le dos des malades. Elle réduira le pouvoir d’achat des classes moyennes. Madame la secrétaire d’état – je m’adresse aussi à M. Xavier Bertrand car je sais qu’il nous écoute et qu’il n’est pas loin –, croyez bien que personne ne se trouve en arrêt maladie de gaîté de cœur. Vous allez réduire les indemnités journalières d’assurés réellement malades qui ne sont pas des fraudeurs, contrairement à ce que laissait entendre le Président de la République dans son discours de Bordeaux. Cette mesure maintient clivage et inégalités entre les salariés des grands groupes, dont la perte de salaire est compensée, et ceux des PME, pour lesquels ce n’est pas le cas.

Je rappelle que ce n’est pas la première fois que le Gouvernement s’attaque aux indemnités journalières. En 2009, la fiscalisation des indemnités versées après un accident du travail avait suscité de vifs débats. Le Parlement avait opté pour une fiscalisation de 50 % de l'indemnité. Depuis le mois de janvier 2011, le mode de calcul des mêmes indemnités journalières a été modifié. Auparavant, elles étaient calculées sur un salaire journalier égal à un trois cent soixantième du salaire annuel ; depuis cette date, elles sont calculées sur un trois cent soixante-cinquième du salaire annuel. Cette mesure n'a pas fait grand bruit, mais elle a pourtant diminué de 1,4 % le revenu des salariés malades. Et, aujourd’hui, vous allez plus loin encore !

Votre nouvelle mesure, non discutée avec les partenaires sociaux, affectera lourdement les salariés, mais aussi les entreprises. Ces dernières seront touchées directement, par le biais de la garantie employeur de maintien de salaire, et indirectement, comme les salariés actifs, par les majorations indispensables des contrats de prévoyance complémentaire.

Plutôt que de faire un tel choix idéologique, ne pensez-vous pas qu’il aurait été préférable de traiter les souffrances au travail ? Selon le rapport de la mission d’information du Sénat sur le mal-être au travail, déposé en juillet 2010, une estimation a minima du coût économique du stress par l’IRNS, l’institut national de recherche et de sécurité, fait état de montants situés entre 2 et 3 milliards d’euros. Un autre choix était donc possible.

Les familles, les retraités et les assurés sociaux sont les grands perdants des politiques que vous menez depuis cinq ans. Nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d’état.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d’état. Monsieur le président, madame et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, avant l’important scrutin qui doit avoir lieu sur ce texte, je souhaite répondre brièvement aux orateurs.

Certains à gauche ont souligné le clivage qui nous sépare. Il existe bien, et nous avons pu en prendre la mesure lors de nos débats.

Le Gouvernement et la majorité présidentielle croient au pacte social et à l’œuvre de nos pères fondateurs et du Conseil national de la Résistance. J’entends bien que certains souhaitent ne pas évoquer la crise ; toutefois, un principe de réalité s’impose à nous.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Philippe Vitel. Voilà la grande différence entre l’opposition et nous !

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d’état. En période de crise, ce principe nous impose de ne pas soutenir indéfiniment la position dogmatique consistant à résoudre toutes les équations en agissant uniquement sur le levier des ressources.

Paradoxalement, la situation nous permet de nous interroger de façon précise et systématique sur la manière dont nous dépensons dans le champ social. Pour notre part, nous croyons qu’il nous faut être plus attentifs à la manière dont s’effectue cette dépense, tout en exigeant l’amélioration de la qualité. Cette approche oppose profondément la majorité et l’opposition.

Votre assemblée s’apprête à adopter un certain nombre de dispositions caractéristiques de la volonté réformatrice qui anime le Gouvernement et la majorité présidentielle. J’en donnerai quelques exemples car nos opposants ont pu oublier d’en évoquer plusieurs lors de nos débats.

Nous consacrons, selon le Haut Conseil pour l’assurance maladie, trois millions de journées à l’hospitalisation indue de nos compatriotes âgés parce que nous ne savons que faire d’eux lorsqu’ils passent par l’hôpital, où ils entrent souvent par les urgences. Sachant que le coût de la journée est de 700 euros, je fais l’hypothèse qu’il y a sans doute là matière à réflexion et même à réforme.

M. Roland Muzeau. Et la réforme de la dépendance ? Vous l’avez abandonnée !

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d’état. Il faut s’engager dans cette voie – ce que nous faisons à titre expérimental – plutôt que d’actionner une nouvelle fois le levier de la recette publique, qui fragilise notre pays et ralentit notre capacité de croissance pendant la période si difficile que nous traversons.

Des critiques se sont fait entendre quant à une prétendue politique droitière et à une absence de considération pour les familles monoparentales – et cela malgré des dispositions pourtant évoquées par M. Muzeau ou Mme Clergeau. Cependant, tout au long de l’examen de ce PLFSS, nous avons fait un tout autre choix. Je pense en particulier à l’augmentation de 30 % du plafond de ressources permettant à une famille monoparentale d’améliorer son complément de libre choix du mode de garde, mais aussi à l’amélioration de l’allocation de soutien familial destinée au parent pour lequel le versement de la pension alimentaire ne se fait pas dans de bonnes conditions.

Monsieur le rapporteur, monsieur Rolland, monsieur Préel – dont je déplore au passage les réserves –,…

M. Jean-Luc Préel. C’est le Gouvernement qui n’a pas bougé !

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d’état. …par votre excellente connaissance de la matière sociale et du PLFSS, vous accompagnez à la fois une politique de responsabilité et une politique de réforme majeure.

Quand, malgré la crise, un PLFSS enregistre une progression supérieure à 4 % – en particulier pour le médico-social – ; quand l’effort de tout un quinquennat se traduit par l’augmentation de plus de 70 % de l’aide apportée à nos compatriotes âgés, par l’augmentation de 20 % de l’effort global pour la politique du handicap et qu’il permet de consacrer l’augmentation de l’AAH destinée à nos compatriotes handicapés qui ne peuvent pas travailler, on peut se féliciter que soit en place un dispositif particulièrement offensif sur le champ social et particulièrement respectueux de l’esprit de la sécurité sociale voulue par ses pères fondateurs.

Je me réjouis de voir la majorité rassemblée et responsable prête à adopter le PLFSS pour 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. J’appelle maintenant, conformément au troisième alinéa de l’article 114 du règlement, le projet de loi dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Explications de vote

M. le président. Au titre des explications de vote, un orateur de chaque groupe pourra s’exprimer durant cinq minutes. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Ainsi le veut notre Règlement, mes chers collègues.

La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Catherine Lemorton. M. Vitel et ses collègues de la majorité se demandent qui pourrait souhaiter un autre système que le nôtre en matière d’accès au soin. M. Xavier Bertrand, qui nous écoute depuis l’endroit où il se trouve, a déclaré samedi dernier, dans ma circonscription, devant le congrès national du Syndicat des médecins libéraux, qu’il n’était pas normal d’attendre pendant des mois pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologue et qu’en raison de ces délais, il emmenait des membres de sa famille consulter en Belgique.

Mme Marie-Françoise Clergeau et M. Roland Muzeau. Oh !

Mme Catherine Lemorton. Voyez à quoi en est réduit le ministre français de la santé !

Monsieur Vitel, vous dites aussi que personne n’est laissé sur le bord de la route. Vous vous trompez ! Aujourd’hui, 14 % des travailleurs qui prennent leur retraite n’ont plus de mutuelle. Lorsque l’on quitte le monde du travail, les revenus baissent. Je parle des retraités que nous connaissons de ce côté de l’hémicycle et que vous ne côtoyez peut être pas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ces retraités disposent d’une pension de 900 ou de 1 000 euros et ils ne bénéficient plus des avantages des contrats de groupe de leur entreprise.

M. Yves Bur, rapporteur. C’est Mme Zola !

M. Richard Dell'Agnola. Consternant !

Mme Catherine Lemorton. L’adhésion individuelle à une mutuelle coûte alors très cher, et c’est pourquoi 14 % des retraités préfèrent y renoncer.

Je constate que M. Bertrand nous a rejoints : il va pouvoir s’expliquer sur l’accès aux soins en Belgique… (Sourires.)

Il faut également parler des étudiants : 23 % d’entre eux ne disposent pas de mutuelles. Votre décision de taxer les mutuelles va mettre celles qui sont destinées aux étudiants en très grand danger.

Pourquoi le coût des complémentaires santé a-t-il progressé, en cinq ans, deux fois plus vite que les revenus des Français ? C’est parce que vous n’avez eu de cesse de les taxer sous prétexte qu’elles disposaient d’un « matelas » – ce qui constitue pour elles, je vous le rappelle, chers collègues, une obligation au regard des règles européennes !

Vous voulez diminuer les indemnités journalières en jouant sur les franchises. Cela revient à faire payer des malades pour d’autres malades.

Dès lors, comment le Gouvernement, relayé par la majorité présidentielle, peut-il prétendre respecter les principes fondateurs de notre protection sociale ?

C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas ce texte. On ne peut baisser l’ONDAM et le fixer à 2,5 % en pleine crise financière, économique et sociale. Il ne faut pas être prix Nobel pour savoir qu’une société qui va mal a besoin de davantage de soins et d’accompagnement et que votre politique laissera forcément des gens au bord de la route. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Roland Muzeau. La ministre des finances nous avait prévenus : ce PLFSS allait prendre « une forme un peu particulière », pour deux raisons. Premièrement, il revenait aux députés – et non aux sénateurs, désormais majoritairement à gauche et assumant leurs désaccords de fond avec le Gouvernement sur le projet de loi – de traduire dans le texte les conséquences de la révision à 1 % de l’hypothèse de croissance. Deuxièmement, il nous incombait également d’intégrer dans le texte les trois grandes nouvelles mesures d’austérité du second plan Fillon. Ces mesures, présentées comme « logiques » dans le cadre d’un effort prétendument collectif de désendettement, sont en fait totalement injustes et scandaleuses, puisqu’elles frappent durement les futurs retraités, les familles et les patients.

Sur la méthode, le Gouvernement a tenu ses promesses. Nous avons en effet eu droit à une seconde lecture très singulière : rapide, alors que le texte sénatorial était totalement différent du texte initial, et relevant parfois de l’improvisation, puisque le Gouvernement a choisi de procéder par amendements, dont l’objet nécessitait d’ailleurs que soit menée une étude d’impact. Ce faisant, il n’a pas tenu son engagement de présenter un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative. Je n’insisterai pas plus longtemps sur ces conditions de travail déplorables, qui traduisent un mépris pour la démocratie sociale et le temps parlementaire.

Compte tenu du contexte financier, économique, social et sanitaire très dur dans lequel il s’inscrit, ce projet de budget exigeait autre chose que la seule ligne directrice de la rigueur aveugle. Depuis 2007, vous affichez l’ambition de réduire les déficits sociaux et vous multipliez, pour ce faire, les mesures de maîtrise des dépenses. Or, c’est un échec. En 2010, le déficit du régime général était de 23,9 milliards d’euros, soit plus du double de ce qu’il était en 2008, lors de la présentation du premier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat. La branche maladie accusait un déficit de 11,6 milliards d’euros : trois fois plus qu’en 2008.

M. Yves Bur, rapporteur. Aujourd’hui, il est de 5,8 milliards !

M. Roland Muzeau. La faute à la crise, ne cessez-vous de répéter. Mais, selon la Cour des comptes, seul un tiers des déficits sociaux est imputable à cette dernière. En réalité, ce sont surtout vos choix irréalistes et irresponsables, votre incurie et votre incapacité à lutter contre le chômage qui sont en cause.

S’agissant des cadrages macroéconomiques, vous avez fait preuve d’une telle légèreté qu’au cours de l’examen du projet de loi, vous avez été contraints de ramener votre hypothèse de croissance du PIB à 1 % et de réviser à 3 % le taux d’augmentation de la masse salariale. Des prévisions plus mauvaises encore sont annoncées par l’OCDE et augurent un nouveau train de mesures que vous n’osez même pas assumer aujourd’hui. à peine voté, le présent texte pourrait bien être déjà caduc.

Et que dire de votre refus coupable de vous attaquer au manque structurel de ressources dont souffre la protection sociale ? Avec constance, vous avez épargné aux plus hauts revenus et aux revenus du capital une contribution renforcée au financement de la protection sociale. Au contraire, vous avez multiplié les niches fiscales et sociales, les dispositifs d’exonérations de cotisations sociales, dont le nombre a augmenté de plus de 45 % entre 2005 et 2010. Le coût pour la sécurité sociale est allé, lui aussi, croissant, puisque les allégements Fillon sur les bas salaires et les exonérations de cotisations sociales représentent plus de 30 milliards. Le dispositif TEPA a coûté, à lui seul, 15 milliards d’euros, depuis 2007 et le coût des exemptions d’assiettes est estimé à 44,8 milliards.

En adoptant, en première lecture, un texte profondément remanié, les sénateurs ont fait la preuve qu’il était non seulement nécessaire mais aussi possible de pallier le sous-financement de la protection sociale. Ils ont fait preuve d’esprit de justice et de responsabilité, en majorant le forfait social et le prélèvement social sur les revenus du patrimoine, en augmentant la contribution sur les stock-options et les retraites chapeaux et en instituant une contribution sur les bonus des traders, ces rémunérations scandaleusement hors du commun auxquelles le Président de la République voulait mettre un terme en 2008, mais qui, dès 2010, avaient retrouvé leur niveau d’avant la crise.

Las, vous vous êtes entêtés à défaire méthodiquement les apports du Sénat concernant la recherche de recettes nouvelles, que vous avez qualifiées d’irréalistes, alors même que l’Inspection générale des finances, le Conseil des prélèvements obligatoires ou la Cour des comptes contestent l’efficacité, eu égard à leur coût, de certaines niches sociales et appellent au recentrage des exonérations de cotisations sociales patronales.

Résultat : dans le cadre étroit qui est le vôtre, c’est des mêmes que vous attendez tous les efforts, tout en sachant que ceux-ci ne suffiront pas à garantir la pérennité du système de protection sociale et en étant conscients des risques qui pèsent sur l’accès aux soins des populations et des menaces pour l’hôpital public, « usine à soins » en réanimation, pour reprendre l’expression du sociologue Frédéric Pierru.

Les assurés sociaux malades, et coupables de l’être, verront répercuté sur leur contrat complémentaire santé le coût de la taxation des mutuelles, soit 1,1 milliard. Et la menace d’une économie de 200 millions d’euros d’économies pèse toujours sur les salariés, dont les arrêts maladie seraient abusifs. Les malades, les personnes âgées dépendantes et les personnels hospitaliers paieront cash les 2,7 milliards d’euros d’économies réalisées sur l’ONDAM. Les foyers bénéficiant de l’allocation logement et les familles allocataires de prestations familiales verront leur pouvoir d’achat baisser suite à la mesure de gel dont vous attendez 500 millions d’euros d’économies. Quant aux futurs retraités, ils sont mis devant le fait accompli : la réforme, qui est déjà la plus sévère d’Europe, est encore durcie. Alors qu’en Allemagne, l’âge de départ à la retraite est repoussé au rythme de deux mois par an, vous optez, non plus pour quatre mois, mais pour cinq mois par an.

Nous affirmons aujourd’hui notre opposition résolue à ces mesures de rigueur injustes et aveugles que vous avez ajoutées au budget de la sécurité sociale. Nous voterons donc contre ce texte irresponsable qui ne garantit pas l’avenir de notre système solidaire et pèse lourd sur la santé et le pouvoir d’achat de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Vitel. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’état, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, élaborer un PLFSS est toujours un moment important. Parce que nous devons faire preuve de responsabilité, c’est aussi un moment frustrant, car nous voudrions toujours faire plus et mieux pour la protection sociale.

M. Jean-Pierre Brard. Là, vous avez de la marge !

M. Philippe Vitel. Mais, si celle-ci n’a pas de prix, elle a un coût. Ne vous en déplaise, chers collègues de l’opposition, nous devons faire avec la conjoncture actuelle.

Le principe de réalité, que nous avons constamment présent à l’esprit, nous a amenés à prendre les décisions conjoncturelles nécessaires, en temps réel, pour conserver au PLFSS son caractère juste et solidaire. Mais nous avons également fait un effort au plan structurel. Grâce aux actions que nous menons pour améliorer l’efficience du système, le déficit structurel ne cesse de diminuer depuis la réforme de 2004. Ainsi nous soignons mieux, à un coût inférieur, en conservant des prestations de grande qualité. Nous pouvons donc nous féliciter d’avoir élaboré un texte équilibré qui nous permet de satisfaire nos ambitions.

Pourtant – pour utiliser une métaphore sportive –, après une première mi-temps à l’Assemblée nationale, où le débat a été constructif et les échanges de qualité, grâce à l’état d’esprit des joueurs, ce texte a dû affronter le Sénat en deuxième mi-temps. Or, ce nouveau Sénat, que son dogmatisme, sa démagogie et son idéologie ont amené à déstructurer totalement le texte que nous avions patiemment construit, s’est dopé, dans un souci de réussite explosive. Il a en effet décidé, en 24 heures, la création de dix-sept nouvelles taxes, pour un montant de 5,259 milliards. Bien entendu, nous ne pouvons accepter de telles pratiques. Aussi avons-nous profité des prolongations, qui se sont jouées à l’Assemblée, après une discussion infructueuse en CMP, pour rendre leur cohérence à nos propositions concernant la protection sociale des Françaises et des Français et pour appliquer les mesures que le Premier et le Gouvernement ont courageusement prises, afin de tenir compte de la révision de notre taux de croissance, passé de 1,75 % à 1 %. Notre réactivité doit être louée ; encore une fois, elle permet d’assurer la cohérence du texte que nous allons voter.

M. Roland Muzeau. Il est caduc !

M. Philippe Vitel. Mes chers amis, ce soir, nous pouvons être fiers d’être restés fidèles à la ligne du Conseil national de la Résistance. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Pierre Brard. Judas !

M. Philippe Vitel. En effet, les valeurs qui sont celles de notre protection sociale depuis soixante ans sont maintenues et renforcées par ce texte. C’est pourquoi le groupe UMP le votera sans état d’âme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez vendu votre âme au diable !

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi tel qu’il résulte du texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Je souhaiterais répondre brièvement à Mme Lemorton. Je ne rappellerai, pour ne pas la compromettre aux yeux de ses collègues, que, si j’ai assisté avec elle, à Bordeaux, au congrès des pharmaciens, j’ai également eu le plaisir de passer un samedi en sa compagnie à Toulouse, au congrès du Syndicat des médecins libéraux. (Sourires.)

Pour autant, je n’ai pas l’intention de faire de Mme Lemorton mon porte-parole. Je tiens donc à préciser que, tant que le système de santé sera celui dont j’ai l’honneur d’être le ministre de tutelle, je n’ai pas l’intention d’envoyer quelque membre de ma famille que ce soit se faire soigner à l’étranger. Y a-t-il en effet un seul pays dans lequel vous préféreriez vous faire soigner plutôt qu’en France ? J’attends toujours la réponse de Mme Lemorton.

En revanche, il est vrai que, compte tenu de l’attente nécessaire pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste, de très nombreux habitants du Nord-Pas-de-Calais préfèrent aller se faire soigner en Belgique, quitte à ne pas être remboursés, et ce problème n’est pas propre à cette région. Ce phénomène montre bien que, pour assurer l’accès aux soins, il faut également répondre au problème de la démographie médicale. C’est pourquoi j’annoncerai, avec Laurent Wauquiez, un relèvement du numerus clausus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Roland Muzeau. Cela fait dix ans que vous êtes au pouvoir !