Texte original de la Tribune de Genève en ligne
On espérait que l'esprit de rigueur qui encadre Genève nous éviterait l'annonce de ce type de gâchis. C'est raté. Comme nous vous le révélons dans nos colonnes aujourd'hui, l'ambitieux projet qui visait à créer pour chaque patient un dossier médical numérisé a été sabordé. Son coût élevé aura porté le coup fatal au projet, mais sans doute portait-il dans ses germes les raisons de son échec.
Pourtant, que rêver de mieux. Genève cultive depuis des lustres les records en matière de dépense médicale. Le Genevois consomme trop de médecine et les médecins prodiguent trop de prestations. Un dossier rassemblant tous les épisodes médicaux du patient aurait le mérite de réduire les examens inutiles et de traquer le tourisme médical. A la clé, des économies de près de 60 millions.
Alors que si peu de choses sont réalisées pour maîtriser l'explosion des coûts, cet outil aurait aussi mis tous les partenaires en face de leurs responsabilités. Mais Genève a fait machine arrière.
On comprend les députés du Grand Conseil qui ont décidé de tirer le frein à main à la vue des dépenses faramineuses réclamées pour la mise en place de ce système au nom du «développement technologique». Les réponses évasives que nous avons obtenues pour justifier ces montants qui se chiffrent en dizaine de millions de francs sont inquiétantes. Il faudra les tirer au clair.
On s'étonne aussi de constater qu'il faille cinq ans, et plus de dix millions de francs déjà dépensés, pour que la sonnette d'alarme soit tirée. Le contrôle politique a sans doute été défaillant durant l'élaboration de ce qui prend les allures d'un mammouth conceptuel.
On est ici au cœur même du problème. Si les Tessinois ont opté pour une démarche pragmatique, avançant par étapes et intégrant en douceur les partenaires au projet, Genève est tombée dans ses travers habituels.
C'est le syndrome genevois, qui consiste à élaborer des solutions globales, soi-disant prêtes à l'emploi, mais tout compte fait détachées des contingences matérielles et qui finissent par se casser les dents sur la dure réalité. Or, il ne faut pas le cacher. Ce projet va à l'encontre de trop d'intérêts, ceux des médecins comme des patients, pour se permettre cette erreur de méthode. Genève l'a compris trop tard. C'est navrant.