Texte original de la Tribune de Genève en ligne
«Beaucoup trop cher et mal ficelé», résume Alain Charbonnier, président de la commission de la santé du Grand Conseil. Celle-ci vient ainsi de prononcer le coup d'arrêt du projet de réseau communautaire d'informatique e-toile, qui vise à rassembler les différents épisodes médicaux des patients sur un dossier unique (lire l'encadré ci-desous).
La carte à puce e-toile © Pascal Frautschi |
«Le parlement a, certes, soutenu, l'an dernier, le principe d'e-toile en séance plénière en ouvrant un crédit d'investissement de 33,8 millions de francs», ne cache pas le député socialiste. Mais «le travail en commission nous a ouvert les yeux. Vu nos difficultés financières, ce projet n'est plus une priorité.»
Hormis l'aspect financier, Alain Charbonnier émet également des réserves sur «l'efficacité d'un système où l'on n'est pas obligé d'adhérer.» La commission de la santé souhaite enfin que «le projet soit étendu à d'autres cantons et qu'il bénéficie de collaborations et investissements de partenaires parapublics et privés», renchérit le libéral Claude Aubert. Et d'ajouter que la commission des finances, à qui le projet a aussi été soumis, n'a pas été plus clémente pour e-toile.
«On repart à zéro»
Une véritable gifle pour le patron du Département Economie et Santé (DES), Pierre-François Unger. Complètement acquis à cette idée «révolutionnaire» - lancée en son temps par Guy-Olivier Segond - le magistrat démocrate-chrétien comptait d'ailleurs bien la concrétiser en 2004. Le projet e-toile était même, cette année-là, l'une de ses trois priorités, nous avait-t-il révélé à cette époque. Les finances de l'Etat en ont décidé autrement…
Mais, au-delà du seul Pierre-François Unger, c'est la classe politique dans son ensemble qui risque à nouveau de pâtir de ce monumental raté. Car les contribuables goûteront, sans doute, modérément aux dépenses considérables qui ont déjà été consenties pour étudier le projet e-toile, dont on parle depuis des années. «Une dizaine de millions», concède le chef du DES. «Soit un million de francs de budget de fonctionnement annuel pour la Fondation Iris, environ 2 millions pour des études préliminaires, avant mon arrivée au Conseil d'Etat, et 5, 3 millions de crédit d'études, voté par le parlement, dont les deux-tiers tiers ont été dépensés.» Il est grand temps d'être raisonnable, considère Alain Charbonnier: «Ce qui a déjà été dépensé n'est rien en regard de ce qui nous attendait!»
Une chose est sûre: fort des remarques de la commission de la santé, le Conseil d'Etat vient de retirer les deux projets de loi consacrés à e-toile, actuellement pendants devant la commission des finances. Le président du Grand Conseil, Michel Halpérin, vient d'en être informé dans un courrier daté du 21 juin.
«Pierre-François Unger préfère retirer ses billes plutôt que de risquer un rapport négatif en commission. Il veut éviter le débat», estime Alain Charbonnier. Alors?
Alors, tout en restant persuadé de la qualité du projet, «pas démentie par la commission», le conseiller d'Etat PDC prend acte de la décision des députés. Et regarde vers le futur: «Ils souhaitent que le projet dépasse les frontières genevoises et qu'il soit construit avec des partenaires privés? Je prend leur demande comme un beau challenge… et me réjouis de voir e-toile un jour aboutir.» Pierre-François Unger concède toutefois qu'il «repart à zéro, le signal du parlement étant des plus clairs». Mais le conseiller d'Etat reste confiant: «Plusieurs partenaires sont d’ores et déjà intéressés.»