Echec du DMP : Xavier Bertrand prêt à témoigner devant la commission parlementaire

Texte original sur fulmedico.org

C’était encore la fête au DMP, lors des discussions parlementaires de la nuit du 24 octobre 2007 à propos de l’article 5 du PLFSS 2008 qui baisse l’enveloppe du FAQSV de 178 à 120 millions, en raison de l’arrêt du chantier du DMP. Philippe Douste-Blazy et Xavier Bertrand ont été mis en cause dans la gestion calamitteuse du projet.

Jérôme Cahuzac : Tout à l’heure, nous avons entendu le Gouvernement se féliciter de chiffres de 2006 qui, il voulait bien en convenir, n’étaient pas fameux, mais tout de même meilleurs qu’en 2005. Quels commentaires, alors, fera-t-il bientôt sur 2007 ? Que nous dira-t-on d’une réforme qui, après n’avoir produit que peu d’effets pendant un an, n’en produit plus du tout au terme de deux ans alors qu’elle devait tout changer ? Mais quelles réformes structurelles avez-vous fait, exactement, en 2004 ? Les déremboursements, la franchise d’un euro par consultation, le forfait de 16 euros non remboursé au malade pour chaque acte lourd, sont-ce là des réformes structurelles ? Non, et cela ne fonctionne pas ! Les seuls éléments de réforme efficaces auraient dû être les médicaments génériques et le dossier médical personnalisé - le DMP. Qu’en est-il advenu ? Si l’on rapporte l’avantage induit par leur usage en France à ce qu’il est dans d’autres pays européens, le recours aux médicaments génériques est un échec. Quant au DMP, il est encore dans les limbes et sa généralisation, qui avait été annoncée pour 2007, est reportée, officiellement jusqu’en 2010 et bien plus probablement sine die.

Jean-Luc Préel : Cet article prévoit une diminution de la dotation du fonds d’aide à la qualité des soins de ville. Même en tenant compte de la création du FIQS, cette décision n’est pas compréhensible. Certes, le FAQSV était censé contribuer au financement du dossier médical personnel... Je me garderai bien d’ironiser sur le sujet (Exclamations déçues sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen), bien qu’en 2004, le ministre de la santé Philippe Douste-Blazy (« Où est-il ? » sur les bancs du groupe SRC) nous ait annoncé que le DMP serait opérationnel en 2007.

Jean-Marie Le Guen : Le 1er juillet !

Jean-Luc Préel : Nous aurions bien besoin des 3,5 milliards d’économies qu’il devait entraîner. Je ne l’ai d’ailleurs jamais cru (Rires sur les bancs du groupe SRC). Les expériences menées à l’étranger nous incitaient au doute et nous avions prévenu que sa mise en œuvre serait longue et coûteuse, mais nous en défendions le principe dans le but d’améliorer la qualité et la coordination des soins. Je continue donc à souhaiter que le DMP voie le jour le plus rapidement possible et soit médicalement utile, le masquage des données médicales constituant un véritable problème (....). 

Pascal Terrasse : Cet article a un intérêt particulier pour le débat sur la démographie médicale. Le FAQSV contribue à la continuité des soins sur le territoire. Il finance les maisons de santé et organise des expérimentations en matière d’accès aux soins. Ce qui est étrange, c’est que le Gouvernement diminue son enveloppe alors qu’une grande partie de ses crédits n’a jusqu’à présent pas été utilisée là où ils auraient dû l’être, notamment dans les maisons de santé. J’ai cru comprendre, et je regrette que la ministre de la santé ne soit pas là pour répondre à cette question, qu’une négociation avait eu lieu avec les étudiants et les internes en médecine, l’objectif étant d’ouvrir les états généraux de la démographie médicale. Comment comptez-vous financer des dispositifs d’incitation à l’installation en 2008 alors que le fonds va être amputé de 70 millions ?
S’agissant du DMP, dont M. Bertrand disait, main sur le cœur, il y a tout juste un an, qu’il serait généralisé au 1er juillet 2007 après une expérimentation sur 70 000 personnes à partir du 1er janvier, il ne serait pas inutile que la représentation nationale puisse disposer d’un minimum d’éléments sur la gabegie qui a entouré son élaboration. Nous ne devons pas être loin du livret de santé qu’avait voulu mettre en place Alain Juppé. Quel a été le coût précis de l’opération, en comptant celui du GIP qui en était chargé, et quand peut-on espérer la voir aboutir ? Les socialistes ont toujours été favorables à cette mesure, qui devait entraîner des améliorations notamment en matière d’allocation de ressources. Nous attendons des réponses précises.

Gérard Bapt : Il faudra bien que le Gouvernement réponde, d’autant que la commission des affaires sociales vient de lancer une mission d’information sur le DMP. M. Bertrand devra donc venir s’expliquer sur le grand projet imprudemment annoncé par M. Douste-Blazy. Il est regrettable que le ministre chargé des comptes soit le seul présent pour l’examen de l’article 5, relatif au fonds d’aide à la qualité des soins de ville, qui touche au cœur de l’amélioration de l’exercice de la médecine en ville et devrait permettre de répondre aux revendications des internes en médecine et des chefs de clinique. Ce fonds vise à améliorer la coordination des soins, à favoriser les regroupements des professionnels, à développer de nouveaux modes d’exercice et à conforter les réseaux de santé, qui deviennent essentiels dans la qualité des soins. Il permet aussi de développer les maisons médicales de garde et d’encourager l’installation des professionnels de la santé sur tout le territoire, y compris en milieu rural ou dans les banlieues désertées par le service public. Il eût donc été opportun de profiter des crédits destinés au DMP pour accentuer les efforts dans les autres missions. C’est une occasion perdue, et il est très dommage que la ministre de la santé ne soit pas là pour s’en expliquer : la réponse qu’elle a donnée aux internes en médecine pour désamorcer leur mouvement eût eu plus de consistance si les crédits de l’article 5 avaient été maintenus (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Jérôme Cahuzac : (...) Quant au DMP, j’ai presque scrupule à interroger le ministre des comptes au lieu de celui de la santé, mais reconnaissez qu’il est regrettable que les responsables les plus compétents pour répondre ne soient pas là. Quel est donc l’avantage comparatif du DMP par rapport au Web médecin ? Comment envisagez-vous de développer le DMP, qui nécessite l’informatisation des cabinets médicaux, alors que 20 % ne le sont pas ?

Jean-Marie Le Guen : Nous ne comprenons pas que Mme la ministre de la santé puisse se dispenser de participer à nos travaux sur ces articles essentiels. Il s’agit en effet de fixer le montant de l’enveloppe qui sert à restructurer l’offre de soins, grâce au dossier médical partagé, à la mise en réseau et autres outils de modernisation. Or, alors que M. Woerth parle sans cesse de restructurer - sans que l’on comprenne par quel miracle une restructuration dispenserait l’État de rembourser l’ACOSS en 2008 -, voilà que le Gouvernement propose de réduire drastiquement les différents fonds ! De qui se moque-t-on ? Pour rassurer les milliers d’internes qui étaient aujourd’hui dans la rue, le Gouvernement s’est payé de mots en annonçant des états généraux. Soit, mais pour négocier quoi et avec quels moyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) Où en est le DMP ? Par quels moyens nouveaux entend-on répondre aux crises sanitaires ? Il n’est pas sérieux que ni Mme Bachelot ni, à défaut, M. Bertrand, qui connaît ces sujets, ne se déplacent pour en débattre avec nous. La vérité, c’est qu’il faudrait au moins doubler le montant de l’enveloppe pour tenir les objectifs que le Gouvernement annonce par ailleurs. Expliquez-nous pourquoi il n’y a rien dans cet article 5 ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l’assurance maladie et les accidents du travail : Monsieur Le Guen, comme vous le savez parfaitement, l’article 5 tient compte de l’existence de crédits non consommés en 2007 du fait des difficultés de démarrage du DMP, elles-mêmes liées aux écueils juridiques rencontrés (Rires sur les bancs du groupe SRC). Le Gouvernement a demandé une enquête à l’IGAS et notre assemblée s’est saisie de cette question au sein d’une mission, à laquelle participent notamment Mme Génisson et M. Le Guen. Nous avons déjà tenu plusieurs réunions et nous avons prévu de procéder à de nouvelles auditions, dont celles de MM. Bertrand et Douste-Blazy. Pour 2008, le Gouvernement entend maintenir les dotations du fonds d’amélioration à un niveau suffisant pour poursuivre la mise en place du DMP et des réseaux.

Pascal Terrasse : Mais la masse globale n’augmente pas !

Jean-Pierre Door, rapporteur : Quant au Web médecin, cher collègue Cahuzac, cela n’a rien à voir avec le DMP...

Jérôme Cahuzac : Je le sais bien !

Jean-Pierre Door, rapporteur : Le Web médecin met en relation les caisses et les praticiens pour informer sur les actes et les spécialités pharmaceutiques remboursées. Les patients n’y ayant pas accès, aucun lien ne peut être établi avec le DMP.

(...)

Le Ministre du budget Éric Woerth : Vos propos sont proprement ahurissants (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Issu du plan d’alerte de juillet dernier, cet article ne vise qu’à un ajustement technique pour éviter d’affecter au fonds d’amélioration de la qualité des soins de ville des dotations qui ne pourraient être dépensées. Pour parler du DMP avec la ministre de la santé, le Gouvernement vous donne rendez-vous à l’article 36. Aucune des expériences en cours ne sera remise en question et le rapport commandé à l’IGAS permettra à chacun de se prononcer en pleine connaissance de cause.

(...)

Arnaud Montebourg : Rappel au Règlement. Plusieurs orateurs viennent d’interroger le Gouvernement, documents à l’appui, sur le sort qu’il réservera à la dette. Or, nous n’avons obtenu aucune réponse précise sur l’avenir de la CADES, pas plus que sur les montants faramineux de dette qui ont été accumulés. Il s’agit pourtant d’un des principaux thèmes de la dernière campagne électorale. Après avoir commandé un rapport à M. Pébereau sur la dette publique et les comptes sociaux, le précédent gouvernement avait déjà mené une véritable propagande sur ce sujet. Loin de nous apporter des réponses, les propos que nous avons entendus n’ont fait qu’obscurcir les perspectives. J’ajoute que les crédits alloués au fonds d’aide à la qualité des soins de ville diminuent de 70 millions d’euros à l’article 5. Nous avions demandé que la ministre de la santé vienne s’en expliquer, et pourtant nous demeurons, là aussi, sans réponse. S’agissant du DMP, il a même fallu que le rapporteur tente de se substituer au Gouvernement. Dois-je rappeler que, dans un régime parlementaire, il revient au Gouvernement de répondre au Parlement ? Ce n’est pas à d’autres parlementaires de s’en charger. Nous avons besoin d’entendre la ministre.

Marisol Touraine : (...) Il s’agit d’un des textes principaux de cette législature. Les Français se demandent s’ils continueront à être soignés demain et s’ils bénéficieront d’une retraite. Ils s’interrogent également sur la dette, qui fut le cheval de bataille de la majorité pendant la campagne électorale.
Outre l’équilibre financier, nous souhaitons savoir comment seront financés les réseaux de soin, les maisons de santé, les aides destinées aux populations les plus en difficulté, mais aussi le DMP. Étant en charge de tous ces dossiers, la ministre de la santé doit venir nous expliquer l’impact des restrictions financières prévues dans ce texte.

(...)

Yves Bur, rapporteur : Je ne prétends pas remplacer la ministre (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais je regrette que vous cherchiez à retarder le débat par des effets de manche. Il s’agit seulement à cet article de prendre acte de la minoration du coût du DMP en 2007 sans toucher aux autres missions du FAQSV. Je comprends votre impatience (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC). Toutefois je rappelle que nous aborderons le DMP à l’article 36. Il faudra donc attendre encore un peu : le débat de fond sur le DMP et le FAQVS viendra plus tard. Pour le moment, je rappelle que le fonds sera doté de 300 millions en 2008, soit nettement plus que cette année. Je vous propose donc de mener les débats de fond concernant 2008 aux articles 36 et 46. En attendant, nous avons amplement matière à discuter, par exemple avant l’article 9, sur la taxation des stock options (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

Finalement, l’article 5, mis aux voix, est adopté.

Le 23 octobre 2007, Xavier Bertrand a été interpellé devant l’Assemblée Nationale, sur l’échec du chantier DMP. Il se dit prêt à témoigner devant la commission parlementaire.

Jean-Marie Le Guen : (...) La politique du Gouvernement est-elle faite de continuité ou de rupture ? La présence de Xavier Bertrand cet après-midi eût pu faire pencher pour la continuité, mais personne dans cet hémicycle ne semble avoir envie d’assumer le bilan des cinq dernières années en matière de sécurité sociale. Il est vrai que nous ne pouvons aujourd’hui que constater l’échec de la réforme de 2004, à commencer par les chiffres de nos déficits de 2006 et de 2007 ou par le raté dramatique du dossier médical personnel, sur lequel il a fallu constituer une mission parlementaire pour enquête (...)
Monsieur Bertrand, c’est vous qui avez été ministre de la santé et qui ne l’êtes plus ; sans doute n’avez-vous pas démontré qu’il eût fallu vous maintenir à cette responsabilité...
Pour la sixième année consécutive, nous votons un déficit supérieur à 10 milliards, et ce, alors qu’il y a quelques mois, encore ministre, vous nous expliquiez que la réforme était dans les clous. Entre ce moment-là et aujourd’hui, il y a quatre milliards de plus sur l’assurance maladie !
J’espère que vous serez là quand nous reviendrons sur la réforme de 2006 et quand nous discuterons des résultats de 2007, afin que vous nous expliquiez la raison de ces 4 milliards supplémentaires. J’espère aussi que vous nous expliquerez pourquoi, au mois de mai, vous ne vous attendiez pas à être convoqué devant une mission parlementaire au sujet du dossier médical personnel, que vous promettiez aux Français pour le début du mois de juillet !

M. Gérard Bapt : (...) À propos du déficit, je rappelle à M. Bertrand que, lorsqu’il était aux côtés de M. Douste-Blazy, il nous annonçait le retour à l’équilibre pour 2007... La maîtrise médicalisée et la mise en place du dossier médical personnel devaient, nous disait-il, permettre d’économiser des milliards....

Xavier Bertrand actuel Ministre du travail : Votre Assemblée a créé une mission sur le dossier médical personnel. J’ai été ministre de la santé de 2005 à 2007 : si les parlementaires veulent m’entendre, je me tiens à leur entière disposition, et je suis même très désireux d’être entendu, car je suis attaché à la plus grande transparence...