La relance du DMP prendra six mois

Roselyne Bachelot ouvre une mission de réflexion

Le Quotidien du Médecin - 12 décembre 2007
Agnès Bourguignon

Texte original sur quotimed.com

La ministre de la Santé a repoussé « à la fin du printemps » le séminaire qui doit clore une phase de concertation et fixer une nouvelle feuille de route au DMP. Roselyne Bachelot mandate une task-force pour une mission de réflexion et conforte la direction du GIP-DMP. Elle souhaite aussi lancer un débat éthique sur l'informatisation des données de santé.

La nouvelle feuille de route du dossier médical personnel (DMP) verra le jour non pas en mars, mais «à la fin du printemps 2008», a annoncé Roselyne Bachelot-Narquin lors des 3es Rencontres parlementaires du DMP, organisées par les députés Jean-Pierre Door (UMP) et Jean-Marie Le Guen (PS) à la Maison de la chimie à Paris. Devant un parterre d'élus, d'industriels et d'acteurs de terrain, la ministre de la Santé a déroulé le programme de la relance du chantier DMP qui prendra six mois.

Cette relance passera tout d'abord par une phase de réflexion, en préambule à la phase de concertation promise en novembre par Roselyne Bachelot au moment de la publication du rapport d'audit sur le projet DMP (*). La ministre vient donc de «mandater une équipe resserrée» pour lui «faire des propositions d'ici trois mois» sur trois sujets : le cadre stratégique, l'amélioration de la gouvernance du projet DMP et l'organisation de la concertation. Placée sous la houlette de Michel Gagneux (inspecteur de l'IGAS et coauteur du rapport d'audit), cette task-force sera composée des «principaux responsables du projet, avec un médecin, un représentant des usagers, des consultants», a précisé Roselyne Bachelot.

Dans un deuxième temps, la task-force s'effacera pour laisser place à la concertation, «organisée autour de groupes de travail thématiques, pilotés par des personnalités reconnues». Celle-ci devra se focaliser sur l'utilité du DMP (pour les professionnels de santé et les patients) et des modalités «pertinentes» de déploiement. Ce sera l'occasion d'aborder «des questions très concrètes, mais capitales», comme les modalités de masquage de données sensibles par le patient, celles du consentement du patient, ou encore «la place et le rôle du médecin traitant».

Séminaire de deux jours. Enfin, comme prévu, la ministre envisage de conclure la phase de concertation par «un séminaire de deux jours», censé «définir un cadre stratégique et un plan d'action qui soient clairs pour tous, crédibles, et qui nous engagent». Des expérimentations grandeur nature devront ensuite tester sur le terrain «un ou des prototypes complets de DMP, conçus en étroite association avec les professionnels de santé et les patients», avant un déploiement progressif «sur plusieurs années».

En outre, Roselyne Bachelot-Narquin a exprimé le souhait d'un «débat éthique sur le DMP», et en particulier sur «les modalités du masquage des données par le patient». Il s'agit de concilier à la fois «les meilleures conditions de travail» pour le médecin, la sécurité et le respect des droits du patient. Dans ce cadre, l'accompagnement du masquage du patient par un professionnel de santé, suggéré début 2007 par le rapport Fagniez, pourrait être soumis au débat. La ministre a l'intention de toute façon d'élargir ce débat éthique «aux questions soulevées par l'informatisation des données de santé» en général (en termes de sécurité et de libertés publiques) en saisissant le Comité consultatif national d'éthique (CCNE). Roselyne Bachelot satisfait ainsi une demande de la Conférence nationale de santé (CNS), présidée par Christian Saout du CISS (collectif d'associations de patients et d'usagers), même si l'avis de la CNS évoquait plutôt une «saisine conjointe» du CCNE et de la Commission nationale consultative des droits de l'homme sur ces questions (« le Quotidien » du 3 décembre).

Equipe maintenue. Au-delà de ces nouvelles orientations, la ministre veut «tirer les leçons du passé (sans) en faire table rase». Parmi «les acquis à souligner», elle a cité «la forte popularité du DMP» – ce qui semble écarter la piste d'un changement de nom de l'outil –, mais aussi et surtout l'équipe du Groupement d'intérêt public concerné (GIP-DMP). Le limogeage attendu par certains acteurs du terrain n'aura manifestement pas lieu. De même, la ministre «ne doute pas une seconde du succès final» de la démarche amorcée par le GIP en direction du portail sécurisé d'accès au DMP, du rôle du tiers de confiance (confié à la Caisse des dépôts) et de l'élaboration de normes d'interopérabilité.

En revanche, Roselyne Bachelot a remis les points sur les « i » à propos des objectifs du DMP. L'outil prévu par la loi Douste-Blazy de 2004 «ne se substitue pas aux dossiers professionnels [comme le dossier pharmaceutique, le dossier communicant cancer ou les dossiers de réseaux, NDLR] : il les complète». «Ce serait donc une erreur d'opposer le dossier partagé et le dossier personnel, a poursuivi la ministre. Même dans les dossiers médicaux actuels, les données des patients ne peuvent être partagées sans leur consentement. C'est justement parce que le DMP est “personnel” qu'il peut être “partagé”. C'est parce que le patient peut s'approprier son dossier qu'il y mettra, en confiance, ses données.»

Le directeur du GIP-DMP «s'est réjoui» pour sa part du discours de la ministre, à l'heure où le projet traverse «une phase critique» et où «certains veulent encore sa mort». A l'instar du président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) qui a plaidé en faveur d'un accroissement de ses moyens en juillet dernier, Jacques Sauret a souligné le caractère «sous-dimensionné» du GIP – en effectifs et compétences – pour piloter un projet national de l'envergure du DMP.

(*) Mission d'audit menée par les Inspections générales des affaires sociales (IGAS) et des Finances (IGF), avec l'appui du conseil général des technologies de l'information (CGTI).