Les obstacles juridiques ont fait tomber l’échéance du 1er juillet

Le DMP se ramassera à l’automne

Le Quotidien du Médecin - 15 janvier 2007
Agnès Bourguignon

Texte original sur quotimed.com

L’objectif légal du 1er juillet étant intenable, le lancement du DMP est désormais reporté « à l’automne 2007 ». Peu surpris par la nouvelle, les médecins de terrain qui l’ont expérimenté attendent plus de moyens et de réponses concrètes pour continuer l’aventure.

DANS LE SECTEUR de la santé, il n’est pas rare que les dates « butoirs » fixées pour de vastes projets soient renversées comme des dominos, vaincues par les difficultés rencontrées.

Le dossier médical personnel (DMP), outil clé de la coordination des soins dans la réforme Douste-Blazy, n’aura pas failli à la règle en dépit de l’intransigeance de Xavier Bertrand sur le calendrier fixé. Inscrite dans la loi du 13 août 2004, l’échéance du 1er juillet 2007, (qui était censée marquer la fin puis le début seulement de la généralisation du DMP), est bel et bien abandonnée. Selon nos informations, Jacques Sauret, directeur du groupement d’intérêt public (GIP) chargé du déploiement du DMP, a reconnu que l’ouverture des premiers dossiers ne pourrait finalement intervenir avant «l’automne 2007» devant le cercle des responsables régionaux des expérimentations (menées sur dix-sept sites entre le 1er juin et le 31 décembre 2006).

Déjà très ambitieux il y a trois ans, le calendrier politique a perdu toute crédibilité en fin d’année (« le Quotidien » du 21 décembre) après deux nouveaux coups durs, à savoir l’interruption du deuxième appel d’offres concernant le futur hébergeur de référence et l’annulation par le Conseil constitutionnel d’une partie de la base légale du DMP. Les dispositions censurées ont été certes intégrées au projet de loi sur les professions de santé (adopté définitivement jeudi par l’Assemblée nationale). Mais la publication du décret sur l’ensemble des modalités pratiques du DMP sera retardée d’autant.

Ironie du sort : l’excès de hâte, sous la pression d’un calendrier politique de plus en plus serré, a fini par le faire échouer pour cause de procédures bâclées (« le Quotidien » du 12 janvier). Reste à savoir maintenant si le ministre de la Santé choisira de faire sauter un fusible au sein du GIP-DMP...

Grogne chez les médecins expérimentateurs. Chez les pionniers du dossier médical personnel, l’irréalisme du calendrier était devenu un secret de Polichinelle. «C’est une surprise pour personne, mais moi je mise plutôt sur un lancement à l’automne 2017, en étant optimiste!», raille le Dr Jean-Paul Hamon, de l’Urml francilienne. D’autres responsables régionaux ne cachent pas leur soulagement, maintenant que le calendrier cesse d’être le fil rouge du projet DMP.

Pour autant, la grogne couve chez médecins libéraux. Au regard des sommes versées aux six consortiums chargés d’héberger les dossiers, les praticiens de terrain estiment en effet que le bilan des expérimentations est assez maigre. Selon les chiffres fournis aux expérimentateurs par le GIP-DMP, seulement 5 000 des 38 000 dossiers créés ont été alimentés après création. «On a donc créé 33000dossiers, juste pour tester les modalités d’ouverture», ironise le Dr Claude Bronner, expérimentateur en Alsace et président du syndicat Espace Généraliste. Et lorsque le GIP met de côté les dossiers contenant plus de 20 documents (souvent exclusivement hospitaliers), les DMP actifs renferment seulement «1,16document en moyenne».

Au final, résume le Dr Bronner, «les expérimentations ont surtout démontré ce qu’on avait dit dès le départ: nécessité d’une inscription en ligne, d’une messagerie sécurisée ou de messageries interopérables, et absence de double saisie». «On a l’impression qu’ils veulent faire le DMP sans tenir compte de l’expérience des médecins libéraux», note le Dr Christine Boutet, de l’Union professionnelle de Picardie.

Par ailleurs, «les mêmes questions des médecins reviennent et n’ont toujours pas de réponse», déplore-t-elle, qu’il s’agisse de la maintenance technique, de la rémunération du temps passé, de la formation. «Il y a un manque évident de moyens», renchérit le Dr Edouard Lichtblau, de l’Urml Haute-Normandie.

Les 26 millions d’euros versés à partir de mars dans le cadre de l’appel à projets (pour entretenir la dynamique des expérimentations) ne représentent, selon lui, que «la moitié des sommes demandées».

Seule consolation : le ministre vient de confier au député UMP Pierre-Louis Fagniez «une mission de réflexion concertée» sur le «masquage» très controversé de certaines données par le patient à l’insu des soignants.