Texte original sur bulletins-electroniques.com
Le Department of Health (DH, ministère de la santé) a annoncé le 9 septembre 2010 l'abandon du projet d'un système d'information unique et centralisé pour le National Health System (NHS, système de santé britannique). Ce projet faisait partie du National Strategic Programme for IT in the NHS (NPfIT, Programme national IT pour le système de santé) initié en 2002 suite à la publication par le DH du rapport "Delivering 21st Century IT Support for the NHS" (Fournir le système d'information du 21ème siècle pour le NHS). Le NPfIT prévoyait la réalisation de quatre grands chantiers:
Selon le Secrétaire d'Etat conservateur à la santé Simon Burns, l'abandon du projet d'infrastructure centralisée devrait permettre au NPfIT de réaliser une économie d'environ 700 M£. Combiné aux autres mesures budgétaires prises par les travaillistes en décembre 2009, le budget total du NPfIT devrait ainsi passer de 12,7 Md£ à 11,4 Md£.
Dans un communiqué de presse [1], le DH décrit la nouvelle stratégie IT pour le NHS comme : "une approche modulaire, permettant aux NHS Trusts (Organisations du NHS) d'introduire des changements à plus petite échelle, en adéquation avec leurs besoins et leurs capacités (...). En ligne avec les réformes du NHS, le NPfIT ne fonctionnera plus comme un système national centralisé. Les décisions et responsabilités seront locales". Concrètement, cela revient à laisser les hôpitaux et NHS Trusts continuer avec leurs systèmes d'informations actuels. Par ailleurs, la NHS Connecting for Health (CfH, Connectés pour la Santé), structure créée en 2005 pour gérer le NPfIT, reste pour l'heure responsable de l'implémentation du programme.
Que va-t-il rester du programme civil IT le plus important de l'histoire ?
Officiellement le NPfIT, présenté lors de son lancement comme le plus important programme civil IT jamais réalisé, n'est pas supprimé. Mais les modifications radicales apportées à la stratégie d'implémentation sonnent néanmoins comme un échec pour un programme qui, au fil des années, a accumulé retards et critiques. Outre la fin du projet d'infrastructure centralisée, le Summary Care Records System, l'élément le plus controversé du NPfIT (voir encadré), a également été un temps sujet à abandon. Mais le ministère de la santé a finalement annoncé le 13 octobre 2010 que le projet serait mené à terme et donc déployé sur l'ensemble du territoire.
Les applications déjà mises en place à l'échelle nationale, le Electronic Prescription Service, le Choose and Book et le PACS (Picture Archiving and Communication System, système de communication et de gestion des images) ne font plus partie du NPfIT en tant que projets. Ils sont désormais directement gérés par le NHS.
Retour sur un échec programmé
Planifié initialement sur 3 ans pour un budget de 2,3 Md£, le coût total du NPfIT a été ré-estimé en 2006 par le National Audit Office (comité national d'audit) à 12,4 Md£ pour un déploiement qui devait s'étaler sur 10 ans (jusqu'en 2013-14). Spécifications techniques mal définies, périmètre et durée du projet excessifs, avec le développement des technologies de l'information ces dernières années, le NPfIT est apparu comme techniquement obsolète et inadapté aux nouveaux standards technologiques.
Parmi les quatre prestataires retenus à l'origine pour la mise en oeuvre, British Telecom et Computer Science Corporation sont les seules entreprises encore en contrat avec le NHS. Accenture a abandonné le projet en 2007 et Fujitsu n'a pas prolongé son contrat qui a pris fin en mai 2008. Suivant la nouvelle stratégie d'implémentation, BT et CSC sont désormais en concurrence avec d'autres prestataires sur les contrats locaux.
De nombreux experts considèrent que cet échec doit servir de leçon au gouvernement pour les futurs projets IT. Les technologies évoluent trop rapidement pour que l'on puisse planifier un projet d'une telle dimension sur une aussi longue période. A l'avenir, les infrastructures IT devront s'appuyer sur des systèmes décentralisés, rapides à mettre en oeuvre et qui respectent les standards technologiques. En définitive, les restrictions budgétaires et la réorganisation du NHS récemment annoncées par le nouveau gouvernement de coalition auront eu raison du NPfIT. Reste à savoir si une nouvelle stratégie nationale va effectivement voir le jour ou si les hôpitaux et NHS Trusts vont se retrouver seuls responsables de l'avenir de leurs systèmes d'information.
Le Summary Care Records System
L'un des gros chantiers du NPfIT concerne la mise en place d'une base de données contenant les informations médicales de l'ensemble des habitants du Royaume-Uni. Chaque citoyen devrait à terme disposer d'un Summary Care Record (SRC, dossier médical numérique) où sont enregistrées les informations concernant la santé de la personne, telles que les allergies, les opérations subies, les traitements en cours, etc. Chaque médecin doit être en mesure d'accéder à ce fichier et d'y ajouter des informations. Les patients peuvent également le consulter en se rendant sur un site sécurisé intitulé Health Space (Espace Santé). L'utilisation de cette base doit permettre aux médecins d'améliorer et faciliter leurs diagnostics et d'éviter la prescription de traitements inadaptés voire dangereux pour le patient.
En mars 2010, 1,2 millions de SRC avaient été créés, concernant moins de 2% de la population du Royaume-Uni. Vivement critiquée par les défenseurs des principes de vie privée et de libertés individuelles, la création du dossier médical n'est cependant pas obligatoire et les citoyens peuvent, en principe, s'y opposer. Mais les médecins et spécialistes de la sécurité informatique ont également émis des doutes de plus en plus appuyés concernant la sécurité et la confidentialité des données. Le NPfIT a ainsi remporté les Big Brother Awards [2] britanniques en 2004 dans la catégorie "projet le plus effrayant".
[1] http://www.dh.gov.uk/en/MediaCentre/Pressreleases/DH_119293
[2] Les Big Brother Awards récompensent chaque année les projets de gouvernements ou d'entreprises représentant une menace pour la protection de la vie privée des citoyens.
Sources :