Texte original sur impact-sante.fr
Le directeur de l'ASIP santé, Jean-Yves Robin, fait le point pour Impact santé sur le déploiement des messageries sécurisées et du DMP.
En 2010, vous avez annoncé la création d’une messagerie dite « universelle » sécurisée. Où en est ce chantier ?
Il s’agit d’offrir à l’ensemble des professionnels de santé une messagerie utilisable et interopérable, c'est-à-dire un outil qui leur permet d’échanger les données de santé en toute sécurité. Pour cela, nous avons élaboré un cahier des charges qui a été diffusé auprès des industriels. Aujourd’hui, nous sommes en train d’étudier leurs propositions. Avant la fin de cette année, cette messagerie pourra être lancée avec un déploiement progressif et un premier bilan en 2013. Une fois les acteurs industriels choisis, nous réunirons les éditeurs de logiciels pour faire en sorte que cette messagerie soit intégrée dans les logiciels de façon pérenne.
De nombreux médecins disposent déjà des messageries sécurisées comme Apicrypt. Que doivent-ils faire ?
Libre aux médecins d’utiliser leur messagerie sécurisée mais sur le plan de la sécurité des échanges, la solution proposée par Apicrypt ou par des serveurs régionaux posent un certain nombre de problème de sécurité comme l’authentification des acteurs. Faute d’avoir appliqué des référentiels, ces systèmes ne sont pas interopérables et ne répondent pas aux besoins des utilisateurs. La messagerie sécurisée que nous allons proposer aux professionnels de santé est un système standard interopérable, compatible avec les clients de messagerie comme Outlook. Elle pourra aussi héberger les noms de domaine proposés notamment par l’Ordre ou encore par les établissements de soins. En attendant le lancement de cette messagerie, on n’arrête pas ce qui existe.
Depuis le lancement du DMP en 2010, plus de 80 000 dossiers ont été ouverts. C’est loin de l’objectif annoncé de 5 millions en 2011 et 9 millions en 2012. Comment l’expliquez-vous ?
Nous n’avons jamais annoncé de tels chiffres dont je ne connais pas les sources. On oublie vite que le DMP n’est en fonctionnement que depuis moins d’un an. Selon nos dernières données, 85 000 DMP ont été créés, au rythme, depuis 5 semaines, de 3 500 DMP par semaine en moyenne. On peut trouver ce chiffre insatisfaisant. Il ne traduit pas un problème technique mais une succession d’événements et d’étapes nécessaires entre la modification des logiciels, leur déploiement sur le terrain, la mise en route par les régions…
Et aussi des réticences de la part des professionnels de santé…
Non. Car aujourd’hui, nous sommes dans un contexte apaisé. Certes, il y a toujours une frange de professionnels de santé qui n’est pas farouche défenseur du DMP et c’est bien normal. Selon un sondage réalisé par Ipsos en juillet 2011 pour l’ASIP Santé : 2 médecins sur dix se déclarent peu favorables au DMP contre 8 sur dix qui se disent favorables ou très favorables. Plus de 2 praticiens sur 3 recommanderaient à leur patient d’ouvrir un DMP, et 9 sur 10 ont déjà entendu parler du DMP. En ce qui nous concerne, le sujet n’est pas tant le nombre de dossiers ouverts mais plutôt l’usage qui en est fait.
Justement, ce DMP est-il une coquille vide ?
Les bénéfices attendus du DMP en termes de coordination des soins ne sont pas pour aujourd’hui. Il faut qu’un nombre suffisant de professionnels de santé l’utilise pour que le bénéfice soit constaté. Nous sommes au début d’une longue histoire. Reste à constater que les DMP sont loin d’être vides. Car pour chaque dossier ouvert, nous avons en moyenne 2 documents partagés qui sont des comptes-rendus de consultations pour la médecine libérale, des comptes- rendus de consultations hospitalières, des comptes-rendus de radiologie, de biologie… L’alimentation et la consultation des dossiers suivent la même courbe de croissance que celle de la création du DMP. Par ailleurs, il y a aujourd’hui 45 éditeurs de logiciels pour 60 logiciels homologués « DMP compatibles ». Ce chiffre ne cesse pas de croître. Dans les deux ans à venir, la plupart des professionnels de santé auront un logiciel « DMP compatible ».
Le député socialiste Gérard Bapt réclame un « moratoire » sur le déploiement du DMP. Il critique notamment le coût élevé du DMP. Combien coûte réellement le DMP ?
Les parlementaires ont demandé à la Cour des comptes de faire le point sur le coût du DMP. Elle est en train de colliger les données. Attendons donc ses chiffres. En attendant, l’ASIP santé est totalement transparente. La mise en place des infrastructures, de la construction du système DMP, a coûté globalement 11 millions d’euros d’investissement initial. En ce qui concerne le coût économique du DMP, il s’élèvera à partir de 3 ou 4 millions de DMP créés à 1 euro par an et par DMP. Cela peut être envisagé dans 3 ou 4 ans. Quant au budget de l’ASIP publié dans le rapport annuel d’activité, il a été initialement de 80 millions d’euros pour 2011. Depuis le gel du FIQCS, il est tombé à 66 millions d’euros, ce qui n’a pas facilité les actions de déploiement du DMP planifiées en 2011 et dont certaines ont été décalées en 2012. Ce budget ne concerne pas que le DMP. Les chiffres avancés ici ou là évoquant des centaines de millions sont le plus souvent totalement fantaisistes.
Que pensez-vous du dossier informatisé sur la clé USB ?
La disposition votée prévoit un décret pris après l’avis de la CNIL. Un projet de texte a été transmis à la CNIL qui devrait rendre son avis prochainement. En fonction de cette position et après les orientations des pouvoirs publics, l’Asip devra déterminer le périmètre de l'expérimentation, consulter les industriels, élaborer le cahier des charges préalable à l'appel d'offres encadrant le dispositif. Ce projet n’a rien à voir avec le DMP. Les services rendus entre les deux dispositifs ne sont pas les mêmes. Pour bien les évaluer, il faut le mettre en œuvre et observer les avantages et les inconvénients.