Il avait été annoncé en grandes pompes par Philippe Douste-Blazy, le ministre de la Santé de l’époque. Sorte de certificat de santé informatisé, le dossier médical partagé – rebaptisé dossier médical personnel (DMP) - devait à la fois éviter les erreurs de prescription et faire économiser trois milliards et demi d'euros par an à l'assurance maladie en éliminant quantité d’examens en doublons. Après un premier lancement en 2010 puis un second en 2011, le DMP n’a jamais percé.
Dans son édition du 4 décembre, Le Canard Enchaîné présente la note et elle est salée. En 2013, 405 000 dossiers ont été ouverts sur les onze millions prévus. Et encore, 71 % des DMP existants seraient… vides, quand les autres ne contiendraient qu’un seul document de type radiographie ou bilan sanguin. Dans un rapport publié en février dernier, la Cour des Comptes avait évalué le coût de la mise en œuvre de ce DMP entre 2005 et 2011 à 210 millions d'euros.
Une manne qui a profité et profite encore aux prestataires informatiques. L’hebdomadaire satirique rappelle qu’en 2010, un marché de quatre ans d’un montant de 40 millions d’euros avait été attribué à un consortium conduit par la SSII Atos et sa filiale Santeos, premier hébergeur de données de santé en France. Un contrat plutôt favorable au consortium puisqu’il prévoit que l’hébergement soit rémunéré sur la base d’un minimum de 5 millions de dossiers et tant pis s’ils sont plus de douze fois moins nombreux.
Pire, selon Le Canard Enchaîné, ce marché sera reconduit en l’état, en 2014, pour une année supplémentaire faute d’avoir été renégocié à temps. Soit dix millions d’euros de plus. Au total, Atos aurait déjà touché 28 millions. Autre subtilité contractuelle, la SSII resterait, à l’issue du contrat, propriétaire du logiciel de gestion de ce DMP bien qu’il ait été financé sur fonds publics.
Enfin, Le Canard évoque des « soupçons de conflits d’intérêts ». Jean-Yves Robin qui dirigeait, depuis 2009, l’Asip Santé, l’agence des systèmes d'information partagés en charge du DMP a quitté ses fonctions le 30 novembre dernier. Avec un chèque de 190 000 euros (soit un an de salaire), précise le journal.
Juste avant son passage à l’Asip Santé, Jean-Yves Robin était directeur général de Santeos. Fonction que l’intéressé mentionne d’ailleurs, en toute transparence, sur son profil LinkedIn. Citant « un connaisseur du dossier », Le Canard Enchaîné avance qu’il serait aujourd’hui « en pourparlers pour y retourner ».