L'échec annoncé du DMP expliqué à un enfant de 5 ans

"A child of five would understand this. Send someone to fetch a child of five." (Groucho Marx)

1ère conversation... les acteurs

Bonjour, mon bonhomme,

Tu te demandes bien ce que c’est que le DMP ; te dire que c’est le Dossier Médical Personnel ne t’en apprendrait pas beaucoup plus sur les raison pour lesquelles je voulais t’en parler.

En réalité les gens s’y prennent tellement mal pour construire ce truc que j’ai dit à l’un d’eux que même un enfant de 5 ans pourrait comprendre pourquoi ils sont en train de tout faire à l’envers ; ça ne l’a pas beaucoup ému - car les adultes, surtout quand ils sont dans des hauts postes administratifs développent une forme de calcification mentale qui les met à l’abri des évidences.

Qu’est-ce que c’est que la calcification ? C’est vrai que si je commence à employer des mots compliqués tu vas avoir du mal à suivre. Cette calcification, c’est un peu ce qui arrive aux très vieux arbres auxquels le vent ou la pluie ne semble plus faire ni chaud ni froid, et qui ne paraissent plus attendre, ou redouter, que l’intempérie plus violente que les autres qui les renversera.

Revenons à nos moutons, je me suis rappelé ce qu’un grand comique américain, Groucho Marx a dit un jour : "Un enfant de 5 ans comprendrait ça ! Allez me chercher un enfant de 5 ans !". Donc, je t’ai fait venir !

En médecine, comme tu le sais bien, il y a des médecins généralistes, le docteur que tu vois le plus souvent, et puis des médecins spécialistes, pour les oreilles, ou le cœur, ou le ventre, et bien d’autres encore, et puis il a l’hôpital, avec tous ces appareils compliqués, pour les opérations chirurgicales, par exemple. Mais il y a aussi ton corps, qui se défend très bien tout seul contre beaucoup de maladies, c’est ce qu’on appelle le "système immunitaire".

Lorsque ton corps est attaqué par un microbe ou que quelque chose se dérègle, c’est un peu comme un pays qui serait attaqué par un ennemi venu de l’extérieur, ou par une révolte de l’intérieur. Dans ce cas là, on peut faire une comparaison avec un pays qui serait attaqué ; tu vas comprendre tout de suite.

Prenons tes jouets et imaginons qu’il se passe quelque chose à cet endroit là. On peut dire que ton système immunitaire c’est un peu comme la police : il se charge très bien tout seul du problème si l’ennemi n’est pas trop dangereux. Mais si la police n’a pas réussi toute seule, alors c’est que c’est peut être assez grave et qu’il faut appeler l’armée.

Qui va-t-on faire intervenir en premier ? Tu as raison, ni les chars d’assaut, ni l’aviation, mais l’infanterie : le médecin généraliste ; et si ça ne suffit pas, tu utiliseras les chars, et s’il y a besoin de plus, tu lanceras tes avions.
Tu vois, de la même manière qu’on peut préparer les forces armées en trois lignes de bataille (l’infanterie, la cavalerie et l’aviation), en médecine, il existe la première ligne avec le médecin généraliste, qui évalue le risque, puis traite lui-même ou appelle des spécialistes : la deuxième ligne équipée de moyens plus sophistiqués, et on fait appel à l’hôpital, la troisième ligne lorsque la situation est vraiment complexe.

Le DMP, c’est un système qui doit permettre à ces trois lignes de travailler ensemble aussi harmonieusement que possible, mais surtout à la première ligne de posséder une vision la plus claire possible pour faire au mieux son travail de gestion de risque : décider s’il faut laisser ton système immunitaire gérer la menace, ou bien traiter, ou bien appeler des renforts. Ainsi ton DMP t’appartiendra, puisque c’est ton histoire médicale qui y sera ainsi racontée.

Et sais-tu qui est chargé de concevoir ce système ? Et bien non, justement pas les fantassins.
C’est à l’aviation qu’on a demandé de faire ce travail. Et oui, je sais bien que je viens de dire que ce sont eux qui vont s’en servir le moins, puisque la troisième ligne intervient en dernier recours (d’ailleurs une personne ne passe qu’une vingtaine de jours dans un hôpital dans toute sa vie).
Mais tous les investissements d’état ont été réalisés au profit de l’hôpital, donc tous les dossiers techniques passent par eux.

Tu as raison, avec la vision qu’ils ont de là-haut, ils ont peu de chance de faire quelque chose de bien… la prochaine fois je t’expliquerais de quelle manière ils s’y prennent à l’envers. D’ailleurs, j’en profiterais pour te raconter une histoire de boîte et de mouton… avec un petit garçon qui te ressemble un peu.